• Saison 2016-2017
Salle Jean Vilar
1h25
Dès 14 ans

De Marivaux
Mise en scène Sandrine Anglade

Blaise est un paysan au langage fleuri et à la bourse plate. Jusqu’au jour où il reçoit de son défunt frère un héritage inattendu.

Le voilà riche de cent mille francs qu’il place, sur les conseils d’un banquier. Tout imbu de sa nouvelle position, il adopte de grands airs, singe les manières du beau monde et scelle les épousailles de ses enfants avec deux nobliaux sans le sou, fous amoureux du magot. La noce bat son plein quand la nouvelle tombe : le banquier s’est enfui avec la caisse. La sanction n’attend pas : tout ce joli monde décampe illico et lui tourne le dos presto. Metteure en scène d’opéra et de théâtre, Sandrine Anglade porte sur cette pièce de 1725, écrite au lendemain de la fameuse banqueroute de Law, le regard d’une femme d’aujourd’hui. Elle en modernise les détails mais l’essentiel n’a pas à l’être. Le nouveau riche de Marivaux est ridicule, mais plus pathétique que grotesque parce qu’il n’est qu’une victime. Victime d’une société corrompue par l’argent, dupe d’une fausse connivence nouée par intérêt et dindon d’une farce qui, en 2017, fait toujours recette.

 

« … Et ces autres écus, qui venont de la manigance, engendreront d’autres petits magots d’argent qu’il [le banquier] boutera avec le grand magot, qui, par ce moyen, deviendra encore pus grand… » Blaise, scène 1

« Cousine, sentez vous mon projet ? Cette canaille a cent mille francs ; vous êtes veuve, je suis garçon : voici un fils, voilà une fille ; vous n’êtes pas riche, mes finances sont modestes (…) Proposons d’épouser. Ce sont des villageois ; mais qu’est ce que cela fait ? »  Le chevalier, scène 4

De Marivaux
Mise en scène Sandrine Anglade

Madame Damis Julie Bertin 
Arlequin Johann Cuny 
Blaise Vincent Debost 
Le Chevalier Tonin Palazzotto 
Colin Yan Tassin 
Claudine, Colette Julie Teuf
Les musiciens Romain Guerret et Arnaud Pilard

Assistant à la mise en scène Yan Tassin
Stagiaire mise en scène Marine Bélier-Dezert
Univers sonore Romain Guerret et Arnaud Pilard (groupe Aline)
Scénographie Frédéric Casanova
Lumières Sébastien Lefèvre
Costumes Cindy Lombardi
Stagiaire costumes Océane Gerum
Réalisation costumes Brice Wilsius
Maquillage Elisa Provin
Collaboration dramaturgique Claude Chestier
Chef de chant Nikola Takov

Résumé

L’Héritier de village met en scène un paysan, Blaise, qui hérite de façon inattendue d’une considérable somme d’argent. Au lieu de profiter de cette somme, il décide, sur les conseils d’un banquier, de la placer. Il revient donc chez lui « potentiellement » riche et adopte un nouveau comportement qui sied selon lui à sa nouvelle position sociale. Il embauche l’opportuniste Arlequin comme domestique et tuteur improvisé de ses enfants. Localement vit une noblesse à bout de souffle qui flaire l’appât de l’argent frais. Les deux communautés décident de marier leurs intérêts : les enfants des paysans épouseront les nobles. Alors que la fête du mariage bat son plein, on annonce la banqueroute. Seul arlequin tire son épingle du jeu, suivant sa route, libre.

Présentation de la pièce

L’Héritier de village est une pièce peu connue de Marivaux, elle a été rarement représentée en France. Ses nombreuses qualités en font pourtant une œuvre qu’il est tant de remettre sur le devant de la scène. C’est sans doute une des pièces les plus corrosives de Marivaux. C’est aussi un texte extrêmement malicieux et irrésistiblement drôle.
Cette comédie peut paraître originale au sein de l’œuvre du dramaturge car c’est la seule dont les personnages principaux sont des paysans et dont le pittoresque du langage produit un immédiat effet burlesque. Ce n’en est pas moins une pièce qui s’inscrit pleinement dans l’œuvre de Marivaux :
« L’Héritier de village est aussi une comédie de l’éducation. Une éducation cette fois non plus selon le cœur et la raison (comme dans L’Île aux esclaves) mais selon la déraison et les conventions d’une société artificielle que fonde une seule valeur : l’argent« . Bernard Dort – Marivaux, théâtre complet.
Alors que c’est souvent chez Marivaux le désir et le pouvoir qui ensorcelle les êtres, c’est ici l’argent qui jette son venin dans les cœurs et les esprits. Son effet est dévastateur chez tous les protagonistes. Blaise, qui a tout d’une personne entière et honnête, se croit soudain obligé d’adopter une morale biaisée et froide, remplie d’ attitudes de rejet, de morgue et d’un ridicule affiché. La noblesse locale désargentée s’abaisse à une fausse connivence et à un jeu de séduction perverti pour récupérer sa part du gâteau. Arlequin affiche un opportunisme sans faille pour profiter de la situation. Bref tout ce petit monde se retrouve uni dans la bassesse et l’espérance d’un profit, qui d’ailleurs n’arrivera jamais. Car, et c’est bien le propre de l’argent de se moquer des vivants comme des morts, la fortune de l’héritage finit par s’envoler.

Note d’intention et projet de mise en scène

La pièce narre en filigrane l’incroyable déroute du système financier inventé par John Law en 1725. L’homme d’affaires privé, jouant de ses accointances avec les milieux politiques, prend littéralement le contrôle sur les finances du royaume et provoque le premier grand krach boursier de l’histoire.
Pièce sur la naissance du capitalisme, l’ « héritier » est une farce autant qu’une fable, un regard joyeusement ironique porté sur les dysfonctionnements humains et sociaux que la spirale spéculative engendre : comportements décalés, séductions déplacées, mélanges incongrus des idiomes, où chacun s’oublie dans la fausseté, où le dialogue n’a plus d’éthique.
Le projet est d’en faire une lecture revigorante et pleine d’humour, s’appuyant sur une distribution aguerrie à la subtilité marivaldienne, fougueuse et énergique dialoguant avec l’invention musicale des deux guitaristes du groupe Aline présents sur scène.
Nous sommes à l’arrière d’un théâtre d’aujourd’hui, qui synthétise loges, douches, local technique, espace d’entretien des costumes… Nos acteurs, nos musiciens sont là : ils incarnent des individus d’aujourd’hui s’adonnant au théâtre parce qu’il est un moyen de sortir de soi, de prendre la parole sur la société à travers les mots d’un autre. Chacun est venu pour répéter L’héritier de village sur le plateau, mais de façon impromptue, par jeu, par plaisir d’invention, la pièce se lance les loges avant le début officiel de la répétition. Tout se réinvente là, dans cet espace où l’on n’est plus tout à fait dans la vie, pas encore sur scène. Le plateau comme espace de la liberté de parole. Rejouant le 18e siècle sans jamais vraiment quitter notre époque, les comédiens tissent en filigrane des ponts entre la crise de 1720 et celle de 2008 ; ces dernières s’expliquant par les mêmes mécanismes économiques (cf. John Law, le magicien de la date, ou 1715-2015, quand la monnaie devient folle, par Bertrand Martinot, sept. 2015).
L’univers sonore reflète cet emboîtement des époques : répertoire 18e revisité et réarrangé par un duo pop. Par leurs présences sur scène avec leurs guitares et leurs amplis, les musiciens opèrent aussi ce basculement permanent entre la fiction représentée et la situation « réelle ». Ils créent une ambiance sonore qui se tisse avec la langue de Marivaux, sont sollicités par les acteurs pour mettre en valeur leur jeu ou leurs propos ou à l’inverse font surgir sur le vif des chansons d’époque interprétées par les comédiens.
Ainsi représentée la pièce apparaît comme un formidable « tribune », dénonçant, à travers le rire, notre propre cupidité et nos dangereuses illusions.

Sandrine Anglade

Après avoir été l’assistante d’Andrei Serban et de Jean-Pierre Miquel (1995-2001), Sandrine Anglade mène sa carrière, depuis 1999, entre le théâtre et l’opéra, où elle débute avec Le viol de Lucrèce de Britten à l’Opéra de Nantes. Elle est ensuite invitée à l’Opéra national de Bordeaux pour y signer Roméo et Juliette de Gounod (2000). En 2001, elle signe sa première mise en scène de théâtre à la Comédie-Française (Théâtre du Vieux-Colombier) avec La Mère Confidente de Marivaux, puis poursuit cette collaboration en 2002 en mettant en scène Opéra Savon de Jean-Daniel Magnin. Très vite, elle ressent le besoin d’ancrer son travail au cœur d’une compagnie, creuset d’une pensée à la fois artistique, humaine et économique. En 2003, elle fonde la Compagnie Sandrine Anglade. Du théâtre à l’opéra, fédérant des collaborateurs fidèles, celle-ci cherche à jouer de la transgression des genres, mêlant, en des objets scéniques singuliers, le théâtre, la musique et le mouvement.
Depuis 2005, treize spectacles ont été créés, au cœur de cette démarche, alternant productions déléguées
et commandes : Monsieur de Pourceaugnac, comédie-ballet de Molière et Lully (Création CDN et Opéra de Limoges, 2006), La Fabula Di Orfeo de Poliziano (création Fondation Royaumont, 2006), Le Voyage de Pinocchio d’après Collodi (2008), L’Italienne à Alger de Rossini (création Opéra de Lille, 2007) ; Le Médecin malgré lui de Gounod-Molière (Création Maison de la Culture d’Amiens-Fondation Royaumont, 2009) ; L’Amour des Trois oranges (Création Opéra de Dijon, 2010). Prix Claude Rostan du meilleur spectacle lyrique en région ; L’Oiseau vert de Carlo Gozzi (Création opéra et CDN de Dijon, 2010) ; Le Roi du bois texte de Pierre Michon/Musique de Michèle Reverdy, avec Jacques Bonnaffé (création en 2012 au Théâtre 71, Scène nationale de Malakoff) ; L’Occasione Fa il Ladro de Rossini (Création en 2012 pour l’Opéra National du Rhin) ; Le Cid de Corneille, revisité pour 8 comédiens et un batteur (création en 2013 Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre, tournées nationales en 12/13, 13/14, 14/15) ; La Cenerentola de Rossini (Création en 2013 pour l’Opéra National du Rhin, reprise en 2014 au Scottish Opera et opéra de Rouen), Le Roi sans terre, spectacle pour enfants à partir d’un texte de Marie-Sabine Roger. (Création en 2015 à La Scène
nationale de Besançon, tournées 14/15 et 16/17), Wozzeck, opéra d’Alban Berg (Création en mai 2015 à L’Opéra de Dijon).
Elle a en projet Chimène, opéra de Sacchini pour janvier 2017 à la Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines. 

Production déléguée Compagnie Sandrine Anglade. Coproduction Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine (TnBA) ; Théâtre Le Montansier – Versailles ; Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre (MCNN) ; Théâtre de la Renaissance – Oullins ; Espace Simenon – Rosny-sous-Bois ; Théâtre Jacques Carat – Cachan. Avec l’aide de la DRAC Île de France, de l’ADAMI, de la SPEDIDAM, du Jeune Théâtre National (JTN), de l’ENSATT et du département du Val-de-Marne dans le cadre du soutien à la création. Avec la participation technique de la Comédie Poitou-Charentes – Centre dramatique national. La compagnie remercie l’Opéra National de Bordeaux pour sa participation à la réalisation de la scénographie, l’ENSATT et le Théâtre National Populaire pour les prêts de costumes, L’ARCAL et la compagnie Philippe Genty pour les prêts d’espaces, ainsi que Julie Robard-Gendre, Mathieu Lecoutre, Eva Alam et Anaïs Neige.
La Compagnie Sandrine Anglade est soutenue par la Ville de Vincennes et le Département du Val-de-Marne.