• Saison 2015-2016
Salle Jean Vilar
2h
Dès 14 ans

De Honoré de Balzac
Mise en scène Robin Renucci
Les Tréteaux de France

Le banquier Mercadet excelle à faire de l’argent avec celui des autres. Mais ses affaires ont mal tourné et le bonhomme n’a plus un sou.

Pour rassurer la horde de créanciers qui le harcèlent, il invoque le soutien de Godeau, un ami parti faire fortune aux Indes, le mariage prochain
de sa fille avec un riche parti… Ils seront remboursés, un peu de patience !
La fable est un peu grosse mais allègrement gobée par les spéculateurs aussi cupides que crédules. Mercadet est un escroc, un « faiseur » – passé depuis dans le langage courant – mais les autres ne valent pas mieux. Et l’on se réjouit de son habileté à les rouler dans la farine. 
Robin Renucci a choisi de mettre en scène la seule pièce de théâtre de Balzac qui ait connu le succès (post mortem). C’est une comédie  étonnamment moderne qui annonce les dérives du capitalisme dont résonne notre époque. Mercadet a fait école et le directeur des Tréteaux de France, dont on connaît l’exigence, joue sur l’actualité du propos avec une évidente jubilation.

De Honoré de Balzac
Mise en scène Robin Renucci
Les Tréteaux de France

M. Mercadet Bruno Cadillon
Mme Mercadet Stéphanie Ruaux
Mlle Julie Mercadet Jeanne Brouaye
Verdelin – De Méricourt Daniel Carraz
De la Brive Thomas Fitterer
Adolphe Minard Sylvain Méallet
Propriétaire – Berchu – Père Violette Gérard Chabanier
Goulard – Pierquin Patrick Palmero
Virginie Judith d’Aleazzo
Justin Tariq Bettahar

[COLUMN]

Dramaturgie Evelyne Loew
Scénographie Samuel Poncet
Costumes Thierry Delettre
Lumières Julie-Lola Lanteri
Masques et maquillage Jean-Bernard Scotto

Le banquier Mercadet est un formidable affairiste : il excelle à faire de l’argent avec de l’argent. Rompu aux roueries, virtuose de la tromperie, il organise autour de lui le bal des créanciers. Les dettes contractées par Mercadet sont au centre de la pièce, à la fois clefs dramaturgiques et fondements philosophiques. Les doléances s’enchaînent dans une ronde étourdissante mais à chaque fois, en véritable comédien, Mercadet retourne la situation par un brillant volte-face. Il mêle la famille aux affaires en faisant du mariage de sa fille Julie un mirage pour repousser ses attaquants, une ruse dont il use et abuse pour se sortir de l’impasse. Dans un enchâssement cocasse de jeux de mensonges, c’est la puissance motrice de la dette qui œuvre. La dette devient horizon métaphysique de la pièce : elle fait courir les créanciers parce qu’elle est notre en-commun le plus essentiel ; tout être humain est toujours le débiteur de l’autre, l’enfant de ses parents, la Terre du soleil. Lorsque le spectacle commence, le plateau vide contraste étrangement avec le capharnaüm de meubles et d’objets qui règne autour : Monsieur et Madame Mercadet, à court d’argent pourtant, ont remisé les meubles de leur appartement parisien pour entreprendre des travaux d’embellissement. D’emblée, cet espace paradoxal donne la règle : il faut à tout prix tromper le visiteur, dissimuler le dépouillement véritable sous une somptuosité apparente. C’est dans le huis-clos d’un salon bourgeois que le faiseur Mercadet fait son jeu, embrouille son monde. Alerte et flamboyante, la fable prolifère à un rythme infernal. Le décor l’y invite : d’un superbe noir laqué, il est à la fois écrin de luxe et théâtre. Le dispositif à deux ressorts sert un jeu ludique et jaillissant, un va-et-vient jubilatoire entre les personnages du XIXe siècle et les acteurs du XXIe siècle. Toujours présents autour du tréteau où se joue la scène, les acteurs sont prêts à bondir pour y prendre part. L’espace libère les protagonistes corsetés par leurs obligations sociales et leurs intérêts personnels : il rend toutes les trajectoires, toutes les collisions possibles. Au principe de cette dynamique collective, il y a la fuite en avant de Mercadet, qui sans cesse se jette dans le vide pour mieux se rattraper. Tout le plaisir est dans le risque. Très silhouettés, entre réalisme et grotesque, les personnages nous plongent dans un univers Daumier monochrome et raffiné où chacun se met en scène dans le jeu social et mondain. Les protagonistes sont sous le poids d’une perpétuelle menace – celle de la ruine – sans jamais pourtant perdre la face. C’est la condition pour survivre dans ce monde cynique. Le Faiseur nous offre la vision jouissive et effrayante d’un monde froid dans lequel l’individu, dans une course frénétique, tente de sauver sa peau ; un monde où l’homme, pour reprendre les mots de Balzac, est un « lièvre poursuivi ». En écrivant Le Faiseur, Balzac est visionnaire. Dans ce texte matriciel du libéralisme économique, il annonce dès les années 1840 les dérives de la spéculation telles que nous les subissons de plein fouet en 2015. Descripteur d’un capitalisme financier dont le théâtre se fait aujourd’hui témoin, Balzac, avec une contemporanéité inouïe, rend compte de la spirale extrême où entraîne la finance. Les Tréteaux de France souhaitent faire goûter cette langue balzacienne, terrible de clairvoyance et de drôlerie, qui nous parle si fort. À travers cette mise en scène tout en clair-obscur, nous voulons éclairer nos zones d’ombre contemporaines et, en négatif, interroger le monde que nous cherchons à construire ensemble. 

Robin Renucci

Robin Renucci

Elève à l’Atelier-École Charles Dullin de 1975 à 1977, il entre au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique dans les classes de Jean-Paul Roussillon, Pierre Debauche, Marcel Bluwal et Antoine Vitez. Il joue au théâtre sous la direction des plus grands metteurs en scène entre autres Patrice Chéreau (1988), Antoine Vitez (Le Soulier de Satin de Paul Claudel 1987 ; prix Gérard Philipe), Jean-Pierre Miquel (1990), Marie-Paule André (François Truffaut Correspondance 1996 ; nomination aux Molière), Lambert Wilson (2001), Cécile Guillemot (2006). Au cinéma, il tourne avec des réalisateurs tels que Christian de Challange (1982), Michel Deville (1981), Diane Kurys (i983 et-1999), Gérard Mordillat (1984), Jean-Charles Tacchella (Escalier C 1985 ; film pour lequel il est nommé aux Césars), Claude Chabrol (1987 et 2000), Jean-Pierre Mocky (2003) et Jean-Paul Salomé (2004). Il joue également dans de nombreux films pour la télévision dont Des enfants dans les arbres de Pierre Boutron (1994 ; nomination aux 7 d’or), Parent à mi-temps d’Alain Tasma (1995 ; 7 d’or du meilleur comédien), Sans mentir de Joyce Bunuel, Crédit Bonheur de Luc Béraud (1996), La Fonte des neiges de Laurent Jaoui. Le train de 16h19 de Philippe Tribois (2000 ; Fipa du meilleur comédien), Colère de Jean-Pierre Mocky (2009). Sempre Vivu 1 est son premier long métrage pour le cinéma (2007). Fondateur et président de L’ARIA en Corse, il y organise depuis 1998 les Rencontres Internationales de Théâtre en Corse. Robin Renucci est administrateur de l’ADAMI et président du Conseil d’Administration de L’ENSATT. Il est professeur au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique et il a été nommé directeur des Tréteaux de France. Dans ce cadre, il développe un partenariat avec le Théâtre National Populaire et joue dans divers spectacles mis en scène par Christian Schiaretti : Don Salluste dans Ruy Blas de Victor Hugo (2011-2012), Amolphe dans L’Ecole des femmes de Molière (2013), le professeur dans La Leçon d’Ionesco (2014). Il a mis en scène Mademoiselle Julie, d’August Strindberg, en 2012.

Les créanciers de Balzac ont des allures de troïka
« […] C’est fou comme cette pièce nous parle ! […] Cette comédie, vive, drôle et féroce, fait mouche à chaque réplique, nous éclairant sur la mécanique implacable de la finance. L’auteur de la Comédie humaine brosse le portrait d’un nouveau capitalisme encore balbutiant qui, de nos jours, triomphe avec l’arrogance et la morgue qu’on lui connait. Balzac a la satire mordante. Ses créatures, il les croque façon Daumier, avec une précision, un souci du détail impressionnant. Mais tout n’est pas dans le détail ?
[…] C’est un vaudeville au sens le plus vif et noble du terme, loufoque et grinçant. Les Tréteaux se transforment en une aire de jeu et offrent aux acteurs la possibilité de déployer tout leur talent. Il y a du souffle, de l’énergie, des comédiens remarquables qui font entendre la partition balzacienne avec une joie contagieuse. Renucci a la manoeuvre nous bluffe, redonnant toutes ses couleurs à la pièce tordant le nez aux codes du classique qu’il maitrise haut la main pour leur insuffler une énergie nouvelle. […] Un dernier mot sur les costumes, magnifiques, de Thierry Delettre, et les maquillages et masques, de Jean-Bernard Scotto, qui conférèrent aux personnages des allures grotesques jusqu’au bout de leurs nez qui s’allongent, s’allongent…. »
L’Humanité, Marie-José Sirach – 22 juillet 2015

La tournée de la dette des Tréteaux de France
« […] Le public, ravi, constate que ce Faiseur qui vient tout juste de commencer n’est pas un vaudeville poussiéreux signé de l’auteur de la Comédie humaine, mais une fable très en phase avec notre temps. […] Décor passe-partout astucieux (parque nu, tableau de maître et lustre en cristal posés au sol, quelques meubles), costumes précieux pour une esthétique à la Daumier : Mercadet, le spéculateur, sa famille et ses créanciers sont les caricatures d’une société qui s’enivre au capitalisme naissant. 
[…] Le Faiseur des Tréteaux séduit par sa fougue et son humour carnassier.« 
Les Echos, Philippe Chevilley – 21 juillet 2015

Production Les Tréteaux de France – CDN, direction Robin Renucci.
Coproduction Théâtre Jacques Cœur / Lattes, L’Arc – scène nationale / Le Creusot.