• Saison 2014-2015
Salle Jean Vilar
1h50
Dès 13 ans

De Marivaux
Mise en scène Laurent Laffargue 

Le Jeu de l’amour et du hasard est la pièce de Marivaux la plus célèbre et la plus représentée, tant en France qu’à l’étranger. Dans cette comédie aux dialogues étincelants sur les relations amoureuses, Marivaux, tout en respectant les codes de bienséance de son temps, questionne l’ordre établi et les préjugés sociaux en inversant les rapports maîtres-valets.

Promise à Dorante, Silvia, peu disposée à se marier, obtient de son brave homme de père (M. Orgon), l’autorisation d’observer, sous le déguisement de sa suivante (Lisette), le jeune homme à qui sa famille la destine, ignorant que ce dernier a eu la même idée qu’elle…
Le double jeu de masques engendre complications et quiproquos hilarants. Face à ce jeu de hasard où les troubles bousculent les convenances, les protagonistes répondent en faussant la donne et jouent la comédie jusqu’à se perdre.
Laurent Laffargue, metteur en scène et directeur de la compagnie du Soleil Bleu, a choisi de monter cette pièce à l’apparente légèreté, pour proposer une critique subtile des inégalités sociales.

De Marivaux
Mise en scène Laurent Laffargue  
Monsieur Orgon Georges Bigot
Mario Maxime Dambrin
Silvia Clara Ponsot
Dorante Mathurin Voltz
Lisette Manon Kneusé
Arlequin Julien Barret

[COLUMN]
Décors Eric Charbeaux, Philippe Casaban
Musique Joe Doherty
Dramaturgie Gwénola David
Costumes Sarah Mériaux
Lumières Hervé Gary
Assistante à la mise en scène Audrey Mallada  

« Ce que je sais, c’est que je suis. Ce que je ne sais pas, c’est ce que je suis ». Dans ses Etudes sur le temps humain (1949), Georges Poulet distille, en cet aphorisme concis, la condition du « personnage » marivaudien face au monde. Dépouillé de l’habit qui l’enrubanne solidement à son statut social, travesti sous le masque d’un autre ou ravi à lui-même par surprise, il surgit dans l’étonnement de ce qui survient et se découvre, piqué à vif par la flamme, brutalement abandonné en son être privé du paraître.
Dans Le jeu de l’amour et du hasard (créé en 1730 par les Comédiens italiens), Marivaux met encore les cœurs à l’épreuve et saisit d’une plume alerte la lutte que chacun livre en son for intérieur pour s’accorder à lui-même, entre ses élans et sa situation. Fiancés, par l’amitié de leurs pères, ils redoutent de s’engager sans se connaître et usent, sans le savoir, du même stratagème pour observer à leur guise la vraie mine de leur « parti ». Tous deux, se glissent sous la mise de leurs domestiques, Arlequin et Lisette, qui revêtent alors leurs rôles. Mais le maître, caché sous sa livrée, s’éprend de la maîtresse, déguisée en servante ; tandis que le valet endimanché s’amourache de la soubrette toilettée qu’il prend pour la promise. Car on ne change de langage comme d’équipage.
« L’habitus » qui sait parer le verbe d’atours élégants séduit mieux que les jolis rubans, la naissance sait se reconnaître dans les belles manières. Pour autant, craignant la mésalliance, Dorante comme Silvia résistent à leurs sentiments, alors que leurs gens, tout au contraire, espèrent en leur idylle pour se hisser d’un rang.
C’est toute la mécanique subtile de cette double partition, amoureuse et sociale, que je souhaite mettre en scène, en m’appuyant sur les codes actuels. Car bien qu’en apparence plus égalitaire, notre société reste pourtant cloisonnée. Les marqueurs sociaux de la distinction se font sans doute plus discrets et habiles, quand se déclinent à longueur de magazines les icônes glamour, «must-have » et autres marques qui fondent l’être dans l’objet et servent de repères identitaires, surtout chez les adolescents… Marivaux montre des individus en quête de (leur) vérité, qui se cherchent encore et découvrent un sentiment pour eux inconnu, tout à la fois délicieux et effrayant : l’amour. C’est pourquoi j’ai choisi de très jeunes comédiens pour les interpréter. S’accorder entre ses élans et sa situation ; au delà des artifices de la condition sociale, la seule vérité est celle du coeur… Les personnages vivent cette expérience, chavirés par les premières bourrasques du désir. L’expérience où Marivaux jette ces jeunes gens les démet de leur fonction et les perd dans le doute de leur identité. Ils espèrent être aimés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils représentent. L’espace, en perpétuelle métamorphose, révèle les mouvements intérieurs qui les travaillent, à l’insu de leur conscience.
A ce compte-là, les maîtres sont les plus entravés, déchirés entre leur moi et leur sur-moi social, entre ce qu’ils voudraient dire et ce qu’ils disent. Leur amour bute sur l’amour-propre. C’est là aussi tout le mordant de la comédie, irrésistible et cruelle. Derrière le rire et la danse allègre des mots, se devinent la panique intime et l’âpreté de ce combat entre soi et soi, jusqu’à ce que la vérité advienne par le mensonge… et le jeu du théâtre.
Laurent Laffargue, metteur en scène.
(Propos reccueillis par Gwénola David, dramaturge)

Laurent Laffargue, metteur en scène
Metteur en scène et comédien, Laurent Laffargue signe toutes les créations de la Compagnie du Soleil Bleu. Fidèle au théâtre francophone classique et contemporain, il monte Le Tartuffe de Molière, Par la fenêtre et Amour et piano de Georges Feydeau, L’Épreuve et La Fausse Suivante de Marivaux, Dépannage de Pauline Sales. Il marque aussi un grand intérêt pour les auteurs anglophones : Harold Pinter (Le Gardien et Le Monte-plats), Daniel Keene, Edward Bond. De la rencontre avec ce dernier, naît Entretien avec Edward Bond, présenté en amont de la
création de Sauvés, qui obtient le Prix des Rencontres Charles Dullin (1998). Cet échange déterminant avec l’auteur anglais le conduit à explorer l’œuvre de Bertolt Brecht (Homme pour homme) ainsi que celle de Shakespeare, auteur qui nourrit sa réflexion depuis toujours. Et justement, en 1999, il signe (au Théâtre de Suresnes) un diptyque Shakespeare, composé du Songe d’une nuit d’été et de Othello : Nos nuits auront raison de nos jours et quelques années plus tard, il crée Beaucoup de bruit pour rien, dans une traduction inédite de Jean-Michel
Déprats. En 2002, il met en scène, pour la première fois en France, Terminus de Daniel Keene et, en mai de la même année, il reçoit le prix Jean-Jacques Gautier. Paradise est l’aboutissement d’une nouvelle collaboration avec l’auteur australien. Il revient au répertoire français et signe, au Théâtre de l’Ouest Parisien de Boulogne-Billancourt, quatre courtes pièces de Georges Feydeau, sous l’intitulé Du mariage au divorce : Léonie est en avance, Mais ne te promène donc pas toute nue !, Feu la mère de Madame et Hortense a dit : “je m’en fous ! (2005). Sa compagnie est nommée aux Molières 2006 (catégorie “Molière de la Compagnie”) puis aux Molières 2007 (catégorie Prix Adami). Ensuite, il crée Les Géants de la montagne de Pirandello (2006), Après la répétition de Ingmar Bergman (2008), La Grande Magie d’Eduardo De Filippo (2008). Artiste associé au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers (2010-2013), il écrit, en collaboration avec Sonia Millot, Casteljaloux ; qu’il met en scène dans une version où il est seul en scène puis, avec dix comédiens. En 2012, il réalise Pulsions, le spectacle de la 24e promotion du Centre National des Arts du Cirque à Châlons-en-Champagne.
En janvier 2013, il signe Molly Bloom d’après James Joyce, interprétée par Céline Sallette. En mars 2014, il met en scène son troisième Marivaux : Le jeu de l’amour et du hasard.
Passionné d’art lyrique, Laurent Laffargue monte Le Barbier de Séville de Rossini, Don Giovanni de Mozart, Les Boréades de Rameau, direction musicale d’Emmanuelle Haïm, La Bohème de Puccini, Le Couronnement de Poppée de Monteverdi, Carmen de Georges Bizet, Les Noces de Figaro.

Complications et quiproquos trament cette apparente légèreté, vision des inégalités sociales, dans une mise en scène portée par une jeunesse fougueuse.
Télérama sortir, novembre 2014

La langue superbe de Marivaux dans une mise en scène élégante et chatoyante, portée par de très bons comédiens.
« C’est toute la mécanique subtile de cette double partition, amoureuse et sociale, que je souhaite mettre en scène en m’appuyant sur les codes actuels. Car bien qu’en apparence plus égalitaire, notre société reste pourtant cloisonnée. » Laurent Laffargue habille donc les protagonistes comme nos contemporains, et heureusement évite le piège d’une actualisation temporelle trop marquée qui serait vouée à l’échec, tant nos époques diffèrent. La mise en scène reflète avant tout le tourbillon des cœurs de l’amour, la confusion des esprits et les frontières qui fluctuent et troublent.
Surtout le jeu des comédiens donne une grande fraîcheur et une drôlerie parfois quasi clownesque à ce parcours incertain vers la vérité.
La Terrasse – Agnès Santi, octobre 2014

Coproduction Théâtre de l’Ouest Parisien / Boulogne-Billancourt, Compagnie du Soleil Bleu.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre national. La Compagnie du Soleil Bleu est conventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication / Drac Aquitaine, subventionnée par la région Aquitaine, le conseil général de la Gironde et la ville de Bordeaux.