• Saison 2014-2015
Salle Aéroplane
1h30
Dès 14 ans

De Dennis Kelly
Mise en scène et scénographie Arnaud Anckaert

Un soir ordinaire dans une famille ordinaire. Helen et son mari Danny dînent en tête-à-tête quand Liam, le frère d’Helen, débarque couvert de sang. Et la vie ordinaire va virer au cauchemar.

Le jeune homme, élevé par sa sœur à la mort des parents, prétend avoir aidé l’étranger blessé qui se tient dehors. Mais son histoire ne tient pas debout.
Très vite, elle éveille les soupçons. Dans le quartier miné par l’insécurité, la peur de l’étranger se vit comme une menace et les agressions se multiplient. Le couple doit-il hurler avec les loups et appeler la police ou garder le silence ?
C’est le cas de conscience que soulève ce huis clos où le crime raciste s’invite à la table familiale. L’auteur, Dennis Kelly, livre là un thriller psychologique, qui maintient la tension jusqu’au bout. Quant à Arnaud Anckaert, qui en met en scène la création française, il renoue avec le théâtre brut et direct qu’il affectionne.

Liam Fabrice Gaillard
Danny François Godart
Helen Valérie Marinese

[COLUMN]
Scénographie Arnaud Anckaert avec Olivier Floury et Alex Herman
Lumières Olivier Floury
Bande son Juliette Galamez
Costumes Alexandra Charles
Décors, accessoires Alexandre Herman
Sculpteur Jacques-Olivier Molon
Traduction Philippe Le Moine

Dennis Kelly
Né en 1970 à Londres, il intègre à 20 ans une jeune compagnie théâtrale et commence à écrire. A la fin des années 90, il entame des études universitaires au London Goldsmiths College. Il affirme le choix de formes en rupture avec le théâtre social réaliste anglais, à l’image de celles développées par Antony Neilson, Sarah Kane, Caryl Churchill. Conjuguant le caractère provocateur du théâtre ‘in-yer-face’ et l’expérimentation de styles dramatiques diversifiés, ses textes abordent les questions contemporaines les plus aiguës.
Après Débris en 2003 (Theatre 503 à Londres), il écrit Oussama the Hero (Young Vic Theatre, Londres, 2004), After the end (Bush Theatre, Londres, 2005), Love and Money (Royal Exchange,Manchester/Young Vic, Londres, 2006), Taking Care of Baby qui reçoit le John Whiting Award (Birmingham Rep/Hampstead Theatre, Londres, 2007), Deoxyribo Nucleic Acid/D.N.A. (National Theatre Connections Festival, Londres, 2007), Orphans (Traverse Theatre, Edimbourg/Birmingham Rep/Soho Theatre, Londres, 2009), The Gods Weep (Hampstead Theatre/Royal Shakespeare Company, Londres, 2010).
Son œuvre est régulièrement traduite et créée en Allemagne (Meilleur auteur dramatique 2009 par la revue Theater Heute). En France, Débris a été lue à plusieurs reprises (Festival d’Avignon 2008, créée à la Comédie de St-Etienne 2010), tout comme A.D.N. (Festival actOral 7, La Colline, 2008 ). Mon prof est un troll (coll.Théâtre Jeunesse), et Occupe-toi du bébé sont dernièrement parues à L’Arche éditeur, ainsi qu’Orphelins suite à la création d’Arnaud Anckaert.

Arnaud Anckaert
J’ai un nom à consonance belge mais je suis né à Neuilly sur Seine en 1975.
Très vite, mes parents viennent s’installer près d’Armentières, puis ce sera Roubaix dans le nord de la France.
Voici une première chute, du Neuilly friqué à Roubaix sans TGV.
J’ai une scolarité difficile car l’école n’est pas un cadre pour moi, je change souvent d’établissement. Au lycée je fais le mur pour aller d’abord aux cours d’arts plastiques, et puis très vite dans les cafés la nuit.
Je commence le théâtre le jour de la mort de Kantor, pas étonnant donc que j’ai beaucoup cherché un maître…
Ça a été une fascination pour Grotowski, quelques échanges violents avec Eugenio Barba, mais surtout une compagnie avec des copains.
Toujours dans le désir d’apprendre, je pars sur les conseils de mon amoureuse à Bruxelles chez Lassaad, le Lecoq Belge. Je découvre le Mouvement. Je continue à faire des spectacles avec la compagnie car je veux garder mon indépendance.
A l’école nous décidons de faire le tour du monde -rien que ça- pour découvrir des façons de travailler, finalement ce sera le tour d’Europe pendant un an avec un camion acheté à crédit.
Je découvre une autre géographie. En Suisse je rencontre Armand Gatti, maître Anarchiste, avec qui je participe au spectacle Feuille de brouillon écrit dans la tempête. Je découvre la poésie et la résistance.
En revenant de Norvège fin 99, je me fixe dans le nord, et monte plusieurs spectacles. Comme il me manque quelque chose pour me sentir un peu plus « metteur en scène », je fais l’Unité Nomade au Conservatoire National de Paris. J’apprends dans l’adversité, d’abord avec Claude Straz qui voulait le mieux pour nous mais qui décédera avant la fin de la formation. Puis, après les passages violents de Kama Ginkas à Moscou, et l’assistanat de Matthias Langhoff, je fais un dernier stage avec Jean-Pierre Vincent et Bernard Chartreux qui transmettent leur vision de la chose publique. J’approfondis le texte.
Depuis toujours je fais des spectacle croisant la danse, le théâtre, le cirque, la vidéo ou la musique. Ces derniers temps c’est plutôt à l’espace, au texte et à l’acteur que je m’intéresse…
Je ne cherche plus de maître, je cherche les moments qui nous rendent plus intensément humains, c’est pour cela que je suis souvent énervé devant l’état du monde. C’est pour cela que je fais du théâtre.

Jusqu’où sommes-nous concernés par la question de l’autre? Jusqu’où nous pousse notre conscience? Notre lâcheté? Comment vivre avec la culpabilité de celui qui sait ?
Dennis Kelly pose ces questions morales à travers une cellule affective forte en nous ouvrant les yeux sur un monde au seuil de nos portes. Il réussit à maintenir tension et émotions tout au long du récit sans faire de concession aux problèmes de notre société où la question de la peur et de l’étranger reste brûlante et continue plus que jamais à faire le miel du FN (entre autres).
Le texte de Dennis Kelly est un texte fort qui a l’apparence d’un fait divers. C’est un «thriller psychologique» selon
l’auteur, qui met en scène des liens affectifs profonds, ceux du couple et de la famille confrontés à un crime raciste.
J’ai depuis la création de la compagnie le désir de fouiller dans les liens intimes. Le champ familial est un terrain privilégié des contradictions et des drames humains que j’explore depuis Pulsion de Kroetz, La Ménagerie, (T. Williams).
La famille, c’est ici un frère et une soeur, Helen et Liam. Ces deux orphelins sont confrontés à un désir de revanche face à un sentiment d’injustice et d’abandon dans une société brutale.
Helen est enceinte de son deuxième enfant avec Danny, son mari. Après l’abandon initial de la mort des parents incendiés, c’est le rêve de fonder une famille, de se reconstruire et de s’en sortir qui anime Helen. Liam, le frère, est de plus en plus seul. Le couple est le seul endroit sécurisé. Le seul repère d’amour.
Ce texte place le sentiment d’abandon et de peur au cœur de l’action et du récit. Il est écrit avec une grande vitalité. C’est en quelque sorte l’autopsie d’un fait divers.
«Sur le banc des jurés de nouveau je contemple mes collègues. J’imagine ces mêmes figures sur le banc d’en face ; mal
nippés, mal rasés, mal lavés, les cheveux défaits, avec du linge sale ou sans linge et ce regard peureux, traqué que donnent l’inquiétude et la fatigue combinées. Quelle tête feraient-ils ? Quelle tête ferais-je moi-même ? Le juge même alors reconnaîtrait-il sous ce déguisement affreux l’honnête homme ? Bien malin celui qui distinguerait alors le criminel du juré !» A. Gide
«Comment réinvestir le fait divers de sa dimension critique sans le soumettre aux pleins feux pédagogiques de l’exposition
sociologique ? Sans avoir à choisir entre la posture du procureur et celle de l’avocat, il s’agit de renouveler nos modes de perception et de nous rappeler au réel tout en en préservant la charge théâtrale d’opacité.»
Il s’agit pour moi de répondre à ce défi, celui de ne pas juger les personnages, de les comprendre afin de trouver la bonne distance pour la scène et les «écarts» dans le réalisme.
À travers cette cellule intime, ce huis clos familial nous parle du monde et de la charge violente contre l’étranger.
La vérité n’est jamais clairement énoncée, les faits sont dissimulés, le texte est rythmé par des pulsations sonores.
Tout cela contribue à créer un texte tendu, une sorte de suspens théâtral.
Dans cette cellule, où l’affect affleure, on essaie de savoir la vérité, on essaie de trouver quelque chose à dire pour sauver sa peau, de trouver un discours pour relater sa version de la réalité. L’enjeu est de ne pas perdre les liens humains qui nous restent (si tu m’aimes fais ça pour moi). Mais où est la vérité ? Où commence le mensonge dans l’amour ? Comment la peur et les frustrations agissent-elles sur nous ? Où commence le monstre humain ? Le criminel ?

A l’opposé de ces paroles brutes, l’auteur Dennis Kelly, encore peu joué en France, instruit le procès du racisme ordinaire dans le cadre d’une comédie à la structure classique (en apparence). Un trio de personnages répond du tac au tac dans une confrontation qui offre une sacrée partition aux acteurs. Un couple habitant dans un quartier un peu dur de Londres se retrouve en amoureux. Débarque alors le beau-frère, surexcité. Par petits ajouts successifs dans une drôle de conversation à reculons – car les faits déclarés comportent toujours une autre facette dévoilé la seconde d’après -, la pièce progresse tranquillement mais sûrement vers l’horreur. Ou comment, deux ex-orphelins – le frère et la soeur- colmatent un éternel sentiment d’abandon en entraînant l’autre dans leur folie… Bravo aux acteurs Valérie Marinese, Fabrice Gaillard, François Godart ! Ils sont sur le qui-vive d’un bout à l’autre …
Télérama

 

Dennis Kelly orchestre les tensions et les soulagements, les fatalismes et les perspectives d’avenir. Il les combine avec d’autres pressions : celle de l’insécurité urbaine, celle d’un couple à moitié bien assorti, celle de décider si un autre enfant est envisageable, celle du travail peu rémunérateur et pas très épanouissant, celle de l’ascension sociale, celle du devoir d’assistance à autrui et de dénonciation de fats délictueux pour des citoyens responsables.
[…]
C’est un travail remarquable que les comédiens se sont appropriés avec brio et conviction. Leur metteur en scène, Arnaud Anckaert, les a placés dans un lieu d’habitation froid, impersonnel où la lumière elle-même est sans chaleur. Il joue habilement avec un espace oblique qui suggère autant l’échappée que l’enfermement, le désir de fuite autant que l’étroitesse du passage.
Il use des possibilités du trio en plaçant ses interprètes en incessante mouvance de deux contre un, plus rarement en fusion à trois. Les corps étant en éloignements avant des rapprochements très physiques selon les tensions mettent la notion de distance en signes de manière efficace. Belle réalisation donc, dont on ne sort pas avec un regain d’optimisme envers notre société.
Rue du Théâtre, Michel Voiturier

L’Arche Éditeur est éditeur et agent théâtral du texte représenté. Production Le Théâtre du Prisme (direction Arnaud Anckaert et Capucine Lange). Coproduction Centre culturel d’agglomération Daniel Balavoine / Arques, ville de Grande Synthe. Coréalisation La Virgule, Centre transfrontalier de Création théâtrale / Mouscron-Tourcoing. Accueil en résidence au Phénix, scène nationale de Valenciennes.
Avec le soutien de l’Adami et de la Fondation d’entreprise OCIRP.
Le Théâtre du Prisme est conventionné à l’aide aux activités de la compagnie  par la Drac Nord-Pas de Calais / ministère de la Culture et de la communication,  soutenu par la région Nord-Pas de Calais pour ses activités, le conseil général du Pas-de-Calais, au titre de l’implantation, et par la ville de Villeneuve d’Ascq. Compagnie partenaire de la Comédie de Béthune, CDN Nord / Pas de Calais (2014-2017).