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Dès 10 ans

Conception et chorégraphie Ali et Hèdi Thabet

C’est une cour intérieure usée par le temps. Un lieu de passage aux murs nus, à la pauvreté sans fioritures. Drôle d’endroit pour une rencontre ? Au contraire. Où mieux que dans cet espace à la fois vide et habité, ouvert à tous les possibles, se croiseraient les figures de la mort, de la raison et de la folie, les trois personnages imaginés par Ali et Hèdi Thabet ?

La rencontre, c’est aussi celle de la musique soufie. Interprétée en live par cinq chanteurs, elle est présente non comme un simple accompagnement sur lequel se grefferaient pas et gestes, mais comme un acteur à part entière de la création. Ce sont les chants et les voix, en interaction avec les gestuelles des personnages, qui donnent à la pièce sa nécessité intérieure.

Dans la musique soufie, c’est l’état de transe provoqué par la répétition de mots chantés ou psalmodiés qui permet d’accéder au spirituel et au divin. De même, dans Rayahzone, c’est la circulation des corps et leur énergie propre qui créent les sensations.

Hors de tout récit, Rayahzone est un spectacle à recevoir sans détours, qui trouve un écho dans la sensibilité de chacun.

Danseurs Ali Thabet, Hèdi Thabet, Lionel About
Direction musicale Sofyann Ben Youssef
Chants soufis de Tunisie Mehdi Ayachi, Hassen Saada, Amine Mohamed Saied, Nidhal Yahyaoui

Lumières Madjid Hakimi
Scénographie Julia Irribarria
Création sonore Mathieu Dupont

« Il y a trois manières de connaître une chose. Prends par exemple une flamme. On peut te parler de la flamme, tu peux la voir de tes propres yeux, ou bien tu peux tendre la main et t’y brûler. C’est cette dernière approche qu’embrassent les soufis dans leur quête de l’Eveil par la connaissance : ils choisissent d’être brûlés par la flamme de Dieu, d’ouvrir leur esprit pour accueillir le divin.

Les musulmans savent qu’ils verront Dieu après leur mort ; mais les soufis consacrent leur existence à tenter de le voir dans cette vie-ci, de s’en approcher, une transgression de la loi islamique que la société islamique n’accepte pas toujours. C’est pourquoi le soufisme a fait l’objet de discriminations, parfois même d’interdiction. Dans leurs rites, les soufis utilisent la musique comme véhicule du divin, et leur musique se concentre sur l’instrument premier qu’est la voix.

« Il souffla son esprit en lui (l’homme) et lui donna l’ouïe, la vue et le coeur » : la Création selon le dogme coranique. C’est sur ce fondement que j’ai construit mon approche de la musique soufie et l’usage que je fais de ma voix ; j’utilise l’air comme élément primordial pour atteindre l’élément feu, symbole du pouvoir de Dieu à travers l’homme. L’homme a respiré l’esprit que lui insufflait Dieu, l’homme soufflera à son tour la voix de Dieu, se connectant au divin par le chant. Souvent, plutôt qu’à comprendre les mots, les soufis cherchent à leur donner leur véritable sens, par la répétition, ou en psalmodiant des phrases courtes. La phrase perd ainsi son sens terrestre pour devenir l’écho de sa mémoire universelle en tant que suite de sons.

J’en ai moi-même fait l’expérience dans ma pratique musicale, en répétant longtemps un même élément, jusqu’à ne plus percevoir l’information musicale en tant que telle pour accéder à un niveau de résonance supérieur : celui de la transe.

Au cours de l’histoire tunisienne, la musique soufie a été interdite. Sa pratique, comme celle des rites soufis, se faisait en secret, dans des cercles très fermés. Il me semble que comparée aux autres  traditions soufies dans le monde, la musique soufie tunisienne a perdu, au cours de son évolution, l’accès au silence, à l’espace nécessaire pour que le souffle advienne. Comme si le souffle, en tant que son qui  » s’expire « , n’avait pas son contraire de retenue  » inspirée « . Dans ce projet, c’est le lien manquant entre le son visible et le son invisible dans la musique soufie tunisienne, pratique musicale et spirituelle, que j’explore »

Sofyann Ben Youssef

 

 

Ali Thabet et Hèdi Thabet sont tous deux nés en Belgique d’un père tunisien et d’une mère belge.

Ali Ben Lofti Thabet

Il s’est initié aux arts du mouvement par le Kung-Fu. Attiré très jeune par la danse et le cirque, il rejoint le Centre national des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne en 1997. Il en sort en 2002 avec le spectacle Cyrk 13. Une mise en scène de Philippe Découflé, avec lequel il a depuis collaboré à plusieurs reprises. Il a travaillé avec Josef Nadj pour Il n’y a plus de firmament (2003), Jean Babile et Ioshi Oida.
Il rencontre Sidi Larbi Cherkaoui en 2004 et rejoint comme interprète l’équipe de Tempus Fugit, première d’une fructueuse collaboration. En 2005, il apparaît dans Oh Boy de Einat Tuchman, et fait équipe avec Nicolas Vladyslav pour le duo Transporté. Ami de longue date de Yannick Dupont et Serge Lazàr, il pose son regard complice pour la création du spectacle Sway en 2008. Il est également assistant chorégraphe pour différents projets, dont ceux de Sidi Larbi Cherkoui, pour lequel il intervient dans la pièce Sutra en 2009 spectacle avec 18 moins bouddhistes du Temple Shaolin ; TeZuka, pièce montée à Tokyo (2010) sur la vie du mangaka Osamu Tezuka. Il a été aussi danseur en 2009 dans la pièce Desnudos, avec la danseuse flamenco Mayumi Kagita.

Hèdi Thabet

Il entre à l’école du cirque de Bruxelles à l’âge de 8 ans, il pratique le jonglage et approche d’autres techniques telle que l’acrobatie pendant près de dix ans. A 17 ans, il décide de quitter l’enseignement scolaire et de se dédier au métier de jongleur, se consacrant à un entraînement assidu et performant auprès d’un professeur particulier. C’est alors qu’il se découvre une maladie. Sa convalescence le conduit à contourner la scène et le spectacle, à ré-interroger le point de vue de l’artiste. S’éloignant de la technique du jonglage, il se concentre sur le jeu d’acteur et le mouvement. En tant que metteur en scène, il conduit un projet de création en Tunisie pendant plus de deux ans. A son retour, s’ensuivent plusieurs années d’oisiveté et de déambulations jusqu’à ce qu’une autre proposition de mise en scène lui soit faite. Il reprend alors un travail de notes et de réflexions pour la scène à laquelle il revient également physiquement. C’est à cette période qu’il croise un ami de longue date, Mathurin Bolze, avec qui
il partage et confronte ces questions. A la suite de leurs périodiques rencontres, ils s’invitent au travail d’abord à Bruxelles puis à Cherbourg et à Lyon ; naît la forme courte Ali (récemment interprété au Théâtre
du Rond-Point).

Ali et Hèdi Thabet signent avec Rayahzone leur premier spectacle conçu et interprété ensemble.

Production Théâtre de Suresnes Jean Vilar

Coproduction Les Théâtres de la Ville de Luxembourg

Avec le soutien à la résidence du Théâtre Phou-Mad’Art/Carthage et de l’Institut français de Tunis.

Manifestation organisée avec le soutien de l’Institut français, du ministère des Affaires étrangères et européennes et du ministère de la Culture et de la Communication.

Avec la collaboration d’Hisashi Itoh.