• Saison 2014-2015
Salle Jean Vilar
1h30
Dès 11 ans

Avec Les Cris de Paris
Direction musicale Geoffroy Jourdain
Conception Benjamin Lazar, Geoffroy Jourdain

Textes de Jean Auvray, Pierre de Ronsard, Jean de Sponde, Jean de la Fontaine, Raymond Queneau, Vladimir Jankélévitch

Musiques de Giacomo Carissimi (1605-1674), Claudio Monteverdi (1567-1643) et Luigi Rossi (ca. 1597-1653)

« Vanité des vanités, tout est vanité ». Cet aphorisme extrait de L’Ecclésiaste sert de fil rouge au nouveau spectacle de théâtre musical des Cris de Paris. Familier du Théâtre de Suresnes, le chœur dirigé par Geoffroy Jourdain, reprend là un thème artistique récurrent.
Des natures mortes de l’époque baroque, justement intitulées Vanités aux oratorios et cantates du XVIIe siècle, en passant par la littérature de tous les temps, les artistes ne cessent de rappeler à leurs semblables la fragilité de leur existence et la vacuité de leurs entreprises.
Pour ajouter leur pierre à l’édifice, Les Cris de Paris ont confié au talentueux Benjamin Lazar, fondateur du Théâtre de l’Incrédule, metteur en scène et comédien spécialiste du théâtre baroque, mais également metteur en scène de LALALA créé au Théâtre de Suresnes avec les Cris de Paris, le soin de porter les textes de Ronsard, La Fontaine, Jankélévitch ou Queneau. À ses côtés, cinq chanteurs-solistes et huit instrumentistes, sur des musiques de Carissimi, Monteverdi ou Rossi, donnent de la voix pour prouver que la mort peut avoir de l’humour.
Car si, comme à Rome, il faut se souvenir que l’on va mourir, n’est-ce pas pour mieux jouir des plaisirs éphémères de la vie ?

Comédien récitant Benjamin Lazar
Direction musicale Geoffroy Jourdain

Sopranos Adèle Carlier et Claire Lefilliâtre
Ténors Manuel Nuñez Camelino et David Lefort
Baryton-basse Geoffroy Buffière
Violons Cyrielle Eberhardt et Josephe Cottet
Orgue Loris Barrucand
Clavecin Simon-Pierre Bastion de Camboulas
Violoncelle, Lirone Lucas Peres
Viole de gambe Liam Fennely
Théorbe André Henrich
Harpe Bérengère Sardin

«Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité.»

Le thème de la vanité, si tant d’exemples nous prouvent qu’il a toujours été propre à la réflexion artistique, trouve une
pertinence toute particulière à la croisée des conceptions philosophiques et esthétiques des XVIe et XVIIe siècles, en un temps où s’effondrent les certitudes sur la conception de l’homme et de l’univers.
L’avènement du règne du raisonnement scientifique, que la pensée humaniste a sans le savoir amorcé, n’est plus qu’une question de temps ; l’artiste dispose sous un éclairage nouveau le questionnement du sens de la vie. Avec la vanité, notamment en peinture, l’objet artistique devient son propre sujet : il traite du caractère trompeur de toute représentation, et se présente comme la parfaite stigmatisation du vice de la satisfaction esthétique.
Il est intéressant de constater que deux importantes sources d’innovation picturale de l’époque sont conjointement la
Vanité et l’autoportrait. C’est autour du visage, ou du crâne, comme un miroir offert à l’incertain et à l’éphémère, que s’organise la vanité en peinture : ils offrent une image de soi-même, positionnent l’artiste dans son temps. L’œuvre renvoie à celui qui la conçoit comme à celui qui l’observe le reflet de sa propre condition.
Ainsi, si « tout est vanité » comme nous le dit l’Ecclésiaste de l’Ancien Testament, l’œuvre d’art, et seulement l’œuvre d’art, saura remplir sa fonction de «buée / souffle / fumée / vent / bulle d’air» (sens possibles de la racine hébraïque HBL, que le filtre des traductions a changé en «vanité») car elle est par essence ce qu’elle se fixe pour objectif de signifier.
Le programme de ce concert donne à entendre certaines des œuvres les plus significatives de cette pensée, élaborées dans la Rome catholique de la famille Barberini de la première moitié du 17e siècle.

«Une exquise tromperie»
Au début du XVIIe siècle, suivant les préceptes de Saint Philippe Neri, fondateur de La Congrégation de l’Oratoire, l’oratorio
signifie à la fois un lieu de prière et l’exercice spirituel que l’on y pratique : prières, laudi, sermons, sermons en musique, en langue italienne plutôt qu’en latin, dans des salles de prières plutôt que dans les églises. Ainsi les deux «cantates morales» de Luigi Rossi (1598-1653), étaient conçues pour encadrer un sermon, dans un oratoire comme celui de la Chiesa Nuova, ou celui de San Marcello, très certainement pendant l’un des Carêmes des années du pontificat d’Urbain VIII (1623-1644).
Il faut croire qu’à l’époque, en ce qui concernait ses intentions, l’Eglise catholique ne s’embarrassait guère de feindre : Orazio Griffi, dans une préface où il vante les mérites de Saint Philippe Neri, souligne l’éclat de la pensée de celui qui conçut l’Oratoire comme le moyen de «tirare con un dolce inganno i peccatori agli esercizi santi dell’oratorio», c’est-à-dire à attirer par une exquise tromperie [la musique], les pécheurs aux exercices saints de l’oratoire.
À l’image des sermons dont elles étaient en quelque sorte les «produits d’appel» – d’autant plus efficaces que les opéras étant interdits à Rome, les oratorii permettaient d’entendre malgré tout les chanteurs, et en particulier les castrats, de la chapelle privée du Pape, ces œuvres attribuées à Luigi Rossi, mais parfois aussi à Marc Antonio Pasqualini, basées sur des textes de Giovanni Lotti, et recopiées par mes soins à la Bibliothèque du Vatican, exhortent le «misérable mortel» à se tourner vers Dieu en renonçant aux plaisirs terrestres et à la possession matérielle.
Dans cette Cité Romaine où les vestiges du passé nous rappellent sans cesse le Memento mori (souviens que tu vas mourir), les artistes étaient au contact permanent des ressources les plus singulières pour exprimer la pensée de leur époque, l’émergence du «je» et de l’individu.
Geoffroy Jourdain

Geoffroy Jourdain, fondateur et directeur des Cris de Paris
Parallèlement à des études de musicologie en Sorbonne et à des recherches dans les fonds musicaux italiens de plusieurs bibliothèques européennes, Geoffroy Jourdain s’implique très tôt dans la direction d’ensembles vocaux et fonde, alors qu’il est encore étudiant, les Cris de Paris, rapidement reconnu pour l’audace de son projet artistique, et pour son investissement en faveur de la création contemporaine.

Aux côtés de Benjamin Lazar, il crée de nombreuses formes lyriques et de théâtre musical.
Il s’intéresse à la mise en oeuvre de dispositifs de création de spectacles musicaux novateurs, en compagnie de metteurs en scène, de comédiens, de chorégraphes et de plasticiens.
Il est régulièrement invité par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris à diriger des ouvrages lyriques (et très prochainement, les 6, 7 et 8 mars prochains, Iphigénie en Tauride de Gluck, mis en scène par Jacques Osinsky). Il a créé des oeuvres de Beat Furrer, Mauro Lanza, Marco Stroppa, Francesco Filidei, Oscar Strasnoy, Aurélien Dumont, Jacques Rebotier, Daniel d’Adamo, Zad Moultaka, mais se passionne également pour le répertoire baroque.
Avec Olivier Michel, administrateur des Cris de Paris, il co-dirigera à partir du mois de mars prochain La Péniche Opéra.

Les Cris de Paris
Créés et imaginés par Geoffroy Jourdain, Les Cris de Paris interprètent principalement le répertoire vocal et instrumental du début du XVIe siècle à nos jours.
Leur démarche artistique est le reflet de la richesse et de la variété des parcours des artistes qui participent à leurs productions ; ils peuvent être quatre comme quatre-vingt, avec parmi eux des compositeurs, des arrangeurs, des comédiens, des metteurs en scène, des instrumentistes, des danseurs, des directeurs d’ensembles, des chefs de chœur, des plasticiens, des créateurs sonores, des pédagogues…
Curieux et passionnés, ils s’investissent avec la même audace dans la redécouverte d’œuvres méconnues que dans l’exploration des potentialités de la voix au sein de la création contemporaine.
Les musiques qu’ils défendent sont très souvent interprétées dans le cadre de productions scéniques mêlant plusieurs formes artistiques (théâtre, danse, lecture..) ou simplement musicales, à travers des concerts et des performances.
La plupart des créations qui jalonnent les saisons culturelles des Cris de Paris mêlent la musique contemporaine à la musique ancienne, les musiques actuelles à la musique baroque et romantique…
Pour l’ensemble de leurs activités, Les Cris de Paris sont aidés par le Ministère de la Culture et de la Communication/Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile-de-France au titre de l’aide aux ensembles conventionnés, ainsi que par la Ville de Paris.
Depuis janvier 2015, les activités des Cris de Paris sont soutenues par la Fondation Bettencourt Schueller et par le Mécénat Musical Société Générale.
Les Cris de Paris bénéficient également d’un soutien annuel de la Sacem, de Musique Nouvelle en Liberté et du soutien ponctuel de la Fondation Orange, de l’Onda, de la Spedidam, de l’Adami, du FCM et de l’Institut Français.
Depuis le mois de mars 2012, ils sont « artistes associés » de la Fondation Singer-Polignac.
Les Cris de Paris sont membres du réseau Futurs Composés, du Bureau Export et du Profedim.