De Mike Bartlett
Mise en scène Elsa Bosc et Yaël Elhadad
Compagnie La Véraison
Dans une entreprise, la manager soupçonne une de ses employées, Emma, d’avoir une relation « d’ordre amoureux » avec son collègue, Darren. Or, une clause du contrat stipule que dans ce cas « l’entreprise doit au préalable en être informée ».
Gagnée par le soupçon, la manager convoque illico l’employée. C’est le début d’un interrogatoire implacable, mené à coups de mots qui griffent, cognent et fouillent l’intimité de la jeune femme.
D’une écriture mordante, le jeune auteur britannique Mike Bartlett, qui collectionne les distinctions théâtrales, livre là une réflexion au vitriol sur la « fabrique » du totalitarisme et de l’endoctrinement.
Et pour que nul n’y échappe, la mise en scène d’Elsa Bosc et Yaël Elhadad immerge le public dans le monde de surveillance que subit Emma. Dans un bureau ironiquement immaculé, les deux actrices jouent face aux spectateurs et les observent. Un Big Brother version 2016, injecté d’humour noir.
De Mike Bartlett
Mise en scène Elsa Bosc et Yaël Elhadad
Compagnie La Véraison
La manager Elsa Bosc
Emma Yaël Elhadad
Traduction Kelly Rivière
Lumières Virginie Watrinet
Scénographie et costumes Elsa Bosc et Yaël Elhadad
Collaboration scénographie Laurent Baude
C’est en lisant Mon enfant la première pièce de Mike Bartlett traduite en français, que nous avons découvert ce jeune auteur britannique brillant, à l’écriture mordante et précise, formidable matériau pour la mise en scène et le jeu. La lecture de Contractions n’a fait que renforcer ce sentiment, et correspondait parfaitement à notre recherche artistique : aborder un sujet de société par une langue forte, au point que la question même du langage en devienne un des enjeux. En 14 scènes, écrites dans une langue acérée, Contractions nous place au centre de la relation entre une manager et une employée, au centre du monde de l’entreprise et de ses dérives. Sujet majeur, que l’auteur étire jusqu’à la tragédie, jusqu’à la science-fiction avec un humour noir féroce. Un humour qu’il manie en maître, grâce à une écriture précise, rythmée, quasi métronomique. Par la langue même, Mike Bartlett, nous plonge au cœur de son propos : le processus de fabrication et la mise en œuvre d’un endoctrinement. Ainsi, c’est à une réflexion sur la « fabrique » du totalitarisme à laquelle nous invite cette pièce.
Un espace unique : le bureau de la manager
Toutes les scènes se situent dans cet espace unique. Nous avons choisi qu’il soit le plus neutre et aseptisé possible, blanc, high-tech. Une sorte de boite blanche, perdue dans l’espace : tapis de danse blanc brillant au sol, un cyclo /écran blanc en fond. Le bureau de la manager en verre, devient écran tactile d’ordinateur, peu d’accessoires, le strict minimum.
Un dialogue entièrement joué face public
Nous avons voulu que le spectateur soit placé au cœur de ce dialogue, qu’il puisse avoir toujours « à vue » les deux personnages. Nous avons donc choisi de jouer Contractions entièrement face public. Ce dialogue est censé se passer de part et d’autre d’un bureau, celui de la manager. Nous avons pris le parti d’avoir deux bureaux sur scène, comme si le bureau de la manager était coupé en deux par le milieu, et que les deux tables étaient en miroir. Les deux actrices s’adressent l’une à l’autre, sans jamais se regarder, face public, comme un champs / contre-champs. Le public peut à son gré « zoomer » sur l’une ou l’autre …
[COLUMN]
La vidéosurveillance
Si Emma est en permanence soumise à la surveillance de l’entreprise, si le public peut en permanence avoir les deux visages des actrices dans son œil, il est important pour nous que dès le début, le public « éprouve » ce monde de « surveillance » : le public est filmé à son insu dans le hall du théâtre avant son entrée dans la salle, les images de cette vidéosurveillance sont ensuite projetées sur le fond blanc de l’espace de jeu durant l’entrée des spectateurs dans la salle … « immersion » dans la «société transparente». L’actrice qui joue la manager est déjà sur le plateau, et observe / surveille les spectateurs s’installer. Par ailleurs, si le choix de jouer face public permet au spectateur de voir en permanence les actrices, il implique aussi qu’il est en permanence sous le regard des actrices …
Le jeu
Le thème du jeu est présent tout au long de la pièce … jeu de rôle (la manager n’est définie que par sa fonction pas son prénom ; Emma en rentrant dans le rang va-t-elle prendre la fonction de manager) … jeu de pouvoir et de lutte … jeu de mots (le dévoiement des mots, mais aussi l’humour) … jeu des silences (Bartlett prend soin de définir très précisément la durée de chaque silence)… jeu d’actrices… L’espace blanc est un ring d’où les actrices une fois entrées ne sortent pas, avant le KO final.
La lumière
Dans cet espace blanc, aseptisé, la lumière est froide. De forte intensité au début, presque aveuglante, elle décline imperceptiblement au fur et à mesure des scènes et de l’effondrement d’Emma, comme si la trappe se refermait sur elle. A la dernière scène quand Emma « rentre » dans le rang, nous revenons à la lumière de la première scène, comme le signe d’un recommencement. La boucle est bouclée. Les inter-scènes rapides, comme l’envers des scènes, sont traitées comme des contre-jours froids, des néons au sol restent en permanence allumés. Les actrices sont toujours à vue, même lors des « hors-jeu ».
Elsa Bosc, Yaël Elhadad
La Compagnie La Véraison
La Compagnie La Véraison est née lors de la création de Lettres aux provinciales, juillet 1944, de Véra Bosc, interprétée par Elsa Bosc et mise en scène par Yaël Elhadad et Thierry Bosc. Elsa Bosc et Yaël Elhadad, comédiennes, metteures en scène, directrices artistiques de La Véraison, ont commencé leur compagnonnage de théâtre au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, dont elles sont issues. Elles sont membres du collectif La Générale, coopérative artistique située 14 avenue Parmentier à Paris. Leur passion pour les textes, qu’ils soient dramatiques ou non, les pousse vers l’exploration des répertoires classiques, mais aussi contemporains, français et étrangers, ou d’auteurs vivants. Seuls comptent le désir qu’un texte éveille et la nécessité de le faire entendre, de le partager, et de s’en emparer en l’explorant.
Production Compagnie La Véraison.
Coproduction La Générale.
La Générale est soutenue par la ville de Paris et Le conseil régional d’Île-de-France. Avec l’aide à la diffusion d’Arcadi Île-de-France (pour janv. / fév. 2014). Contractions de Mike Bartlett est publié aux éditions A&C Black © 2008 et représenté dans les pays de langue française par l’agence Drama-Suzanne Sarquier, en accord avec The Agency à Londres. Pour la traduction française, Kelly Rivière a reçu l’aide à la traduction de la Maison Antoine Vitez. La pièce est publiée aux éditions Actes Sud.