• Saison 2016-2017
Salle Jean Vilar
1h20
Dès 15 ans

Conception, texte et interprétation Nathalie Joly
Mise en scène Jacques Verzier

Il y avait les pierreuses, les gueuses, les fleurs de trottoir qui racolaient sur les fortifs ou dans les terrains vagues. Et puis, les cocottes, les courtisanes, des artistes qui faisaient mine de séduire alors qu’elles étaient à vendre.

Bruant, Damia, Toulouse-Lautrec ont immortalisé ce demi-monde des théâtres et des caf’conc montmartrois. Nathalie Joly, qui a consacré neuf ans à explorer le répertoire d’Yvette Guilbert, l’élargit, cette fois, aux gouailleuses et autres diseuses du Second Empire qui pour échapper à la censure excellaient dans l’art des inflexions pour mieux multiplier les allusions à la sexualité. Son « parlé chanté » égrène des textes qui parlent de sexe avec esprit, des couplets truculents, grivois, paillards, qui disent aussi la souffrance cachée sous les dessous fripons. En velours rouge et soie blanche, Nathalie Joly reprend, un récital conçu pour l’exposition « Splendeurs et misères, images de la prostitution 1850-1910 », au musée d’Orsay.

Chant Nathalie Joly
Piano Jean-Pierre Gesbert
Bandonéon Carméla Delgado
Danse Bénédicte Charpiat
Et un artiste invité

Scénographie et décor Jean-Jacques Gernolle
Peinture Maïté Goblet
Costumes Claire Risterucci
Lumières Carla Tomé
Son Olivier Lagier

 « Société choisie, sécurité, petits soins et discrétion, cette maison organisée sur un pied tout nouveau se recommande tout particulièrement l’attention du High life. On y emploie toutes les langues…. »
Guy de Maupassant

A la Belle époque l’excitation est à son comble dans les cafés concerts. Les Diseuses développent l’art des inflexions pour échapper à la censure, multipliant les allusions à la sexualité. La frontière entre l’artiste et la courtisane, entre la grisette et la lorette, est aussi mince qu’est inépuisable le vocabulaire pour nommer toutes les femmes associées à la prostitution. Pierreuse, demi mondaine, verseuse, gueuse, syphilitique, mais aussi buveuse d’absinthe, adepte des amours saphiques, dame entretenue qui préfère les vieux, tenancière ou petite bonne d’hôtel, sont les figures centrales des chansons que nous avons choisies. La musique raconte un moment intime de leur solitude. La polissonnerie, la coquinerie et l’humour sont un exutoire bienvenu dans ces vies souvent moins roses que la soie de leurs dessous fripons ! La confusion règne. Le théâtre est le lieu de prédilection des courtisanes, et les jeunes artistes connaissent, pour survivre, la spirale de la prostitution.
Elles font semblant de séduire alors qu’elles sont à vendre. De la loge de l’actrice à la chambre de la femme publique, la frontière est poreuse. C’est sur ce «demi monde» que nous nous sommes concentrés, celui de la scène, de la salle, de la loge… avec son cabinet de toilette, et derrière la porte, son cabinet noir. Les filles de bar entrainent le consommateur vers la capitale du plaisir ; à la scène elles deviennent des personnages de revue.
Le monde nocturne est masculin, interdit à la femme, compagne d’amusement ou distraction sexuelle, qui n’a sa place que sur scène ou comme fille de salle. Le corps de l’actrice est devenu, à la Belle époque, l’objet même du spectacle. Les représentations du corps de la femme sont des fantasmes dominants dans un système qui enfermait les femmes et les empêchait de s’exprimer. Le spectacle reflète les comportements sexuels et érotiques des spectateurs. Mais qui regarde qui ? La scénographie est un tableau, en miroir de l’exposition. Le public est peint sur une toile en fond de scène, comme face à lui-même. Certaines cérémonies érotiques ont inspiré aux peintres des tableaux présentés dans l’exposition ; ces images prendront corps sur la scène : un moment de toilette, un huis clos, un face à face avec la «fée verte» … La lumière renforce l’impression d’attente ou d’enfermement. Le décor et la mise en scène donnent de la distance par rapport au frémissement du velours rouge. Pour rendre compte de l’éclectisme et du foisonnement des numéros de caf’conç’, il y a des danses aux multiples influences, des numéros de cabaret, du bandonéon, du cinématographe. Le film d’Alice Guy (qui a inventé le film de fiction), est un clin d’œil au phénomène de dansomanie qui montre l’effervescence des bals émergeant après la seconde moitié du 19ème siècle avec un engouement pour la danse dans lesquels se développe la prostitution. Nous avons privilégié le répertoire chanté du second empire jusqu’à la belle époque, sans nous interdire quelques incursions plus tardives. Il fallait la vocalité des chansons issues de l’opérette, la grivoiserie des chansons paillardes, la jubilation et la truculence des couplets des Diseuses fin de siècle qui ont pu jouer et dire leur envie de liberté, ce qui est rare, avec quelques chansons puisées, à la grande époque des caf’conc’ Montmartrois, dans le répertoire d’Yvette Guilbert que nous explorons depuis neuf ans.

Nathalie Joly et Jacques Verzier

Nathalie Joly

Artiste internationale, Nathalie Joly est passionnée par les formes parlées chantées, à l’origine de tous ses spectacles : Je sais que tu es dans la salle sur Yvonne Printemps et Sacha Guitry, Cabaret ambulant sur les intermèdes chantés du Théâtre forain (CD Voyageurs de la nuit), J’attends un navire – Cabaret de l’exil d’après l’œuvre de Kurt Weill créé avec Jacques Verzier, Cafés Cantantes chansons de superstition (1 CD Marche la route), Paris Bukarest sur Maria Tanase (1 CD c/o rue Stendhal) mis en scène par Maurice Durozier. Elle a écrit et joué depuis huit ans une trilogie sur Yvette Guilbert Je ne sais quoi d’après la correspondance entre Yvette Guilbert et Freud (1 CD livre c/o Seven doc), En v’la une drôle d’affaire (1 CD Label France Musique) mis en scène par Jacques Verzier, et Chansons sans gène 3ème épisode récemment mis en scène par Simon Abkarian (Théâtre La Piscine Châtenay-Malabry le 25 novembre 2015, Théâtre de la Tempête du 13 au 22 mai 2016). Dans le spectacle Diseuses elle confronte le parlé chanté d’hier au rap d’aujourd’hui (Théâtre Toursky, Marseille, 6 novembre 2015).
Comédienne–chanteuse, elle obtient un 1er prix de chant à l’unanimité au CNR de Boulogne-Billancourt, un 1er prix de musique de chambre, et une maîtrise de philosophie à la Sorbonne. Elle travaille sous la direction de Philippe Adrien (Rêves de Kafka et Ké voi), Thierry Roisin (Les Pierres), Michel Rostain (Jumelles), Diego Masson (Chansons de Bilitis), Alain Françon et l’Opéra de Lyon (La vie Parisienne d’Offenbach), Maurice Durozier (Brûleur de planches, Cabaret ambulant, Calma de la mar, Désirs de mer), Lisa Wurmser (Marie des grenouilles, La bonne âme du Set chouan), Olivier Benezech (Le violon sur le toit), et des compositeurs comme Maurice Ohana (Le mariage sous la mer), le GRAME James Giroudon et Pierre Alain Jaffrenou, David Jisse, Christian Sebille (Alleluia de Bataille), Philippe Legoff (Aqua). Elle a enseigné à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne et à l’étranger, notamment à Kaboul en Afghanistan, où elle a réalisé en 2005 le film documentaire Tashakor. Elle jouera dans le prochain film de Joël Farges Campo amor.

[COLUMN]

Jacques Verzier

Il commence au théâtre en compagnie de Philippe Adrien avec les Rêves de Kafka, Ké voï  d’Enzo Corman, Cami, drames de la vie courante. Il a travaillé avec Robert Cantarella, Jérôme Savary, Laurent  Pelly, Alain Marcel, Jean-Luc Lagarce, Jean Lacornerie, Alain Françon, Jacques Vincey, Jean-Louis Grinda, Agnès Boury, Samuel Séné, Lisa Wurmser, Jean-Michel Ribes. Il a interprété Molière,  Euripide, Minyana,  Corman,  Horvàth, Shakespeare, Vian. Il chante dans les Contes d’Hoffman, La vie Parisienne à l’opéra de Lyon et Taxis dans Les aventures du roi Pausole au grand théâtre de Lausanne, Cabaret, Kiss Me Kate, Andrews dans Titanic, Of  thee  I  sing, One  touch  of  Venus,  Sugar,  certains  l’aiment  chaud,  Panique  à bord de  Stéphane Laporte et Patrick Laviosa, Lady  in  the Dark, l  roi  et moi  (opéra de Lyon), René  L’énervé de Jean-Michel Ribes, Belles are ringing…. Il créé Souingue ! et Souingue Souingue !, met en  scène et joue avec Nathalie Joly J’attends un navire – Cabaret de l’exil d’après l’œuvre de Kurt Weill puis il la met en scène dans Je ne sais quoi et En v’là une drôle d’affaire sur Yvette Guilbert. Dernièrement il joue Yvonne princesse de Bourgogne mise en  scène  Jacques Vincey,  et L’avare de Molière mis en scène Jean-Louis Martinelli avec Jacques Weber. 

Production Marche la route, création au Musée d’Orsay .