• Saison 2018-2019
Salle Jean Vilar
2h30
Dès 12 ans

Texte Jean-Marie Besset
Mise en scène Régis de Martrin-Donos

On est en juin 1940. Jean Moulin, alors préfet d’Eure-et-Loir, refuse d’exécuter l’ordre de repli donné par le Gouvernement.

Le 17 juin, quelques heures après l’entrée des Nazis dans Chartres, il est torturé et pour ne pas céder à leur pression, tente de se suicider car il connaît quelle est la voie la plus juste.

Jean-Marie Besset a écrit une fiction historique très rigoureuse qui, à bien des égards, ressemble à une fresque homérique, une fable remplie d’épreuves et d’espérances, faisant de Jean Moulin un héros tragique. Neuf comédiens dirigés par Régis de Martrin-Donos, interprètent tour à tour plusieurs personnages, dans une lumière faite de clairs-obscurs et une scénographie qui souligne le monde parallèle et secret de la clandestinité. Un ballet d’évasions, de poursuites, une narration haletante qui n’oublie rien de la grande et de la petite Histoire et dresse le tableau d’un des épisodes les plus dramatiques du XXe siècle. Un portrait historique d’un homme, d’une Histoire faite par des humains qui, de loyauté en trahison, de découragement en abnégation, ont défendu leur amour de la France et de la République, jusqu’à leur dernier souffle.

 

 

France Culture nous donne à entendre Laure Moulin, la sœur de Jean Moulin, dans un extrait d’archives recueillies en 1964. Elle dresse un portrait de son frère à l’occasion du transfert de ses cendres au Panthéon.

Avec Sébastien Rajon, Laure Portier, Loulou Hanssen, Sophie Tellier, Jean-Marie Besset, Laurent Charpentier, Stéphane Dausse, Michael Evans et Gonzague Van Bervesselès
Scénographie Alain Lagarde
Lumières Pierre Peyronnet
Costumes David Belugou
Sons Émile Tramier
Assistant à la mise en scène Patrice Vrain Perrault

Jean Moulin, Evangile, est la deuxième pièce de Jean-Marie Besset que je mets en scène, et pour la deuxième fois autour de personnages historiques.
Ici, la fable se déroule de façon chronologique, sur trois années. L’objectif de la mise en scène est de rendre cette « pièce historique » à la fois épique et symbolique, en laissant de côté une vision documentaire ou feuilletonesque de l’histoire.
Avec mes collaborateurs artistiques, aussi bien à la scénographie, qu’à la lumière et aux costumes, nous souhaitons créer un langage scénique qui puisse dévoiler le tragique d’une époque, mais aussi faire entendre l’oeuvre complexe et ample d’un auteur d’aujourd’hui.
Les perspectives de l’histoire ne doivent pas nous enfermer dans un consensus prudent qui contraint l’imaginaire du spectateur. Au contraire, il faut s’émanciper des conventions pour propulser le destin de Jean Moulin dans les ciels infinis du théâtre. Il faut être irrévérencieux, insolent, irrespectueux. Dès lors, le travail des acteurs et du metteur en scène, n’est pas de proposer une analyse historique de ces évènements, mais de transcender l’histoire dans une grande fresque théâtrale, où l’émotion, la lumière, la beauté et la parole l’emportent sur tout le reste. L’enjeu n’est pas tant de savoir si les choses relatées sont exactes – pour cela il faut lire les biographies, les essais, les témoignages sur le sujet, ils sont nombreux et là aussi les conclusions diffèrent – Non, l’enjeu est de faire de Jean Moulin, un personnage dramatique (j’entends de théâtre), mythologique et allégorique. Comme l’ont été avant lui Antigone (Sophocle), Jules César (Shakespeare), Le Cid (Corneille), Danton (Büchner). Il convient alors de s’affranchir de l’histoire pour mieux la transmettre, mieux la comprendre, mieux la mettre en perspective.
La pièce est composée de quatre tableaux, subdivisés en vingt-deux scènes qui retracent le parcours de Jean Moulin, de sa soeur Laure et de son ami Antoinette Sachs à travers les différentes villes d’Europe qu’ils ont traversées. C’est pourquoi nous avons choisi une scénographie qui suggère un espace unique et commun à tous les personnages, mais qui puisse également, scène par scène, signifier tous les lieux proposés par l’auteur (Paris, Londres, Lyon, Marseille, etc).
Alain Lagarde, qui signe la scénographie, a proposé de ce fait un dispositif composé uniquement d’armoires (jouant sur le sens étymologique « armoire – mémoire »). Ces dernières coulissent sur rails et peuvent se décliner en plusieurs lieux, genres, formes… Ainsi, les espaces évoluent en fonction de l’avancée de l’action et parfois même à contre-courant de toute logique narrative. En effet, nous voulions nous éloigner du réalisme pour travailler davantage sur les sensations, les images, les impressions. Les armoires permettent de raconter le monde parallèle et secret de la clandestinité.
De plus, les portes des armoires nous entrainent dans un ballet incessant d’évasion, de poursuite et de piège, qui illustre l’angoisse omniprésente face à la dénonciation,
l’arrestation et la déportation. De ce fait, le dispositif déploie parallèlement à l’action une vision kafkaïenne et tourmentée de la vie cachée du chef de la Résistance (inspirée par le travail d’Orson Welles dans The Trial de Kafka).

[COLUMN]

La pièce et les personnages portent une grande part de rêve en eux. L’histoire que nous racontons paraît par moment sortie d’un récit homérique, d’une fable remplie d’épreuves et d’espérances, mais aussi d’un cauchemar injuste, d’une longue descente aux enfers.
Et puisque le théâtre que propose l’auteur repose essentiellement sur la parole, se pose alors la question de la place des acteurs face à l’histoire. Comment incarne-t-on un personnage historique ? Faut-il d’ailleurs jouer ou montrer ?
Comment raconter l’horreur, la haine, l’antisémitisme ? Comment en faire du théâtre ?
La pièce, qui regroupe une quinzaine de personnage, est jouée par neuf acteurs. Certains d’entre eux jouent jusqu’à trois personnages. Cela participe entièrement au traitement théâtral de l’oeuvre. Nous retrouvons tout au long de la pièce les mêmes acteurs dans différents rôles, et ce principe dramaturgique nous permet de nouveau de quitter le réalisme historique, pour nous diriger vers un théâtre plus formel, de convention. Alors, lorsqu’un même acteur prête ses traits à un soldat allemand, puis à un résistant français, cela accentue incontestablement la tension dramatique d’une scène, et cela nous rappelle à quel point les suspicions, les doutes et les craintes faisaient partie du quotidien des Résistants.
Enfin, ce qui rassemble ces figures historiques c’est la terre, la nature. C’est pourquoi nous souhaitons la symboliser avec l’utilisation au sol d’une tourbe. En effet, ce qui relie les destins de ces différents protagonistes (qu’ils soient français ou allemands) c’est la lutte pour un territoire, la lutte pour la liberté, la lutte pour la France toute entière.
En cela la terre me parait être un élément incontournable, créant le lien primitif et organique de ces hommes et de ces femmes, fascistes ou républicains, qui foulent chaque jour le même sol dans deux buts diamétralement opposés.
La lumière est un personnage à part entière, accompagnant par des jeux d’ombres la part de secret, de clandestinité et de fuite des différentes figures historiques. Nos héros sont traqués, sur le qui-vive, toujours aux aguets. Ils vivent dans la crainte constante de la trahison, de la dénonciation et de l’imprudence. L’ombre est à la fois leur meilleur atout pour se cacher, et leur pire ennemi dans les moments de solitude. La lumière, quant à elle, est leur quête absolue pour résister face au fascisme, au fanatisme, à l’obscurantisme.
Les costumes permettent eux aussi de signifier plutôt que de représenter. En partant des coupes et des modes d’époque (que ce soit pour les uniformes ou les costumes de ville) nous voulions transgresser les codes réalistes et sublimer les silhouettes. En abandonnant les détails et en confondant matières et couleurs, les costumes sont, à l’instar du décor, un des signes permettant à cette épopée d’affirmer son caractère universel.

Régis de Martrin-Donos
Le 3 avril 2016

L’auteur
Jean-Marie Besset
Originaire de Limoux et né à Carcassonne, il se partage de 1986 à 1998 entre New York, où il écrit, et la France où ses pièces sont jouées. En 1999-2000, il dirige le théâtre de l’Atelier, et crée avec Gilbert Désveaux le festival NAVA.
En 2010 et pendant 4 ans il dirige le Centre Dramatique National de Montpellier-Théâtre des Treize Vents.
Il est l’auteur d’une vingtaine de pièces dont Villa Luco (1984), qui mettait déjà en scène le Général de Gaulle, et le jeune lieutenant Gorka. Parmi ses dernières pièces, citons : Je ne veux pas me marier (2009), Le Banquet d’Auteuil créé à Montpellier puis repris en 2015 à Paris au Théâtre 14 et au Vingtième Théâtre, mis en scène par Régis de Martrin-Donos.
Il a également adapté de l’anglais de nombreux auteurs dont Alan Bennett, Michael Frayn, Tom Stoppard, Oscar Wilde pour L’Importance d’être sérieux, et Edward Albee : La Maison et le Zoo, présenté en 2015 au Théâtre du Rond-Point dans une mise en scène de Gilbert Désveaux.
Il a reçu le Molière de la meilleure adaptation en 1999 pour Copenhague de Michael Frayn. André Téchiné a signé un film La fille du RER (2004) et Robert Salis a tourné Grande Ecole d’après ses pièces éponymes. Jean-Marie Besset a dialogué l’ultime film d’Alain Resnais Aimer, boire et chanter.

Le metteur en scène
Régis de Martrin-Donos
Régis de Martrin-Donos est auteur, metteur en scène, et comédien. Il écrit en 2007 dans Faire fondre statuettes pour statues, présenté au concours des Conservatoires de Paris au Théâtre du Rond-Point.
En sortant du conservatoire du 15e arrondissement de Paris en 2009, il écrit Frontière, révélé par le comité de lecture du CDN de Montpellier. Pièce présentée au festival NAVA en juillet 2011.
Il est l’auteur et le collaborateur artistique du Garçon sort de l’ombre mis en scène par Jean-Marie Besset au CDN de Montpellier (2011. Editions L’Avant-scène). Il coécrit et met en scène un spectacle d’après la correspondance de Diderot : Diderot Bagarre, créé au CDN de Montpellier et repris au Théâtre de Poche Montparnasse en mars 2013 (Editions L’Avant-scène).
Il assiste Gilbert Désveaux à la mise en scène de L’Importance d’être sérieux d’Oscar Wilde, créé au Théâtre des 13 vents et de La Maison et le Zoo d’Edward Albee. Il est également assistant à la mise en scène d’Il faut je ne veux pas d’Alfred de Musset et de Jean-Marie Besset au CDN de Montpellier pour la saison 11/12 et qu’il reprend et joue en tournée en 2013.
Ses deux dernières pièces, Toutes les dates de naissance et de mort (Festival Nava 2013) et Suzanne et les vieillards (2015), sont inédites. Il met en scène Le Banquet d’Auteuil de Jean-Marie Besset au CDN de Montpellier, puis au Théâtre 14 et au XXe Théâtre à la rentrée 2015. Enfin, il adapte et met en scène un récital piano sur les poèmes de Rimbaud et Verlaine, intitulé Rimbaud chante.

Dans cette pièce historiquement très rigoureuse, Jean-Marie Besset arrive à restituer l’épaisseur humaine de “personnages” que l’on connaît très bien. Certaines scènes sont d’une finesse profonde et bouleversent tout en nous, apportant des informations, des éclairages nouveaux sur le destin et les pensées de Jean Moulin.
Le Figaro, 4 août 2015

Prise de risque très réussie pour la création Jean Moulin, Évangile, plébiscitée hier à Angers. Grâce à la mise en scène de Régis de Martrin-Donos. Originale mais pas gadget. Avec son jeu de vieilles armoires qui pouvaient symboliser un bureau nazi, une chambre de torture ou une porte vers la clandestinité, elle permet une reconstitution impressionniste, laissant la place aux émotions, fortes, autant qu’aux faits historiques.
Ouest France, 28 juin 2016

Production Badock Théâtre. Avec le soutien de la région Occitanie.