Danseur et chorégraphe, Maxime Cozic navigue entre la danse hip hop et contemporaine. Après avoir collaboré avec les chorégraphes Mourad Merzouki, Fouad Boussouf, Etienne Rochefort et Mickaël Le Mer, il crée en 2019 sa compagnie Felinae. La même année, il réalise son premier solo Emprise. Il y développe une écriture précise et exigeante où il est question de ces gestes qui échappent au corps, un corps empêché, oppressé par un sentiment de mal-être.

Pour sa prochaine pièce Oxymore, l’artiste s’entoure du danseur Sylvain Lepoivre et du compositeur Arsène Magnard. Au Théâtre de Suresnes Jean Vilar pour une résidence d’une semaine, soutenue par le programme Cités Danse Connexions, il a prolongé son travail sur ces gestes qui trahissent la conscience et l’expression du vice. Un duo captivant dans sa manière d’assumer le corps à corps et de creuser la question de l’intention derrière le geste.

Maxime Cozic (c) Moise De Giovanni

Dans cette première étape de création, il est question de fusion des corps, de domination. Il y a aussi des passages plus tendres et sensuels. Comment avez-vous pensé ces différents rapports de force ?

Maxime Cozic : On est parti de l’idée que le contact entre nous deux ne se perde jamais, comme un parti pris. De manière pratique, je donne des directions, des choses que j’ai envie de tester. Sylvain les enrichit ensuite en proposant de la matière à l’intérieur du cadre que je lui donne. Et ce qui colle vraiment au propos, on essaye de ne pas le lâcher, on le développe.

Sylvain Lepoivre : Maxime voulait travailler à partir d’un état d’ébriété. Pas celui choisi mais celui qui arrive une fois que tu as dépassé ta limite. On a imaginé que Maxime est cet état. Je dois le supporter comme une charge sur moi qui me domine. C’est là que l’idée de fusion est née, avec deux corps différents qui créent un seul et même personnage.

Sylvain a plus un rôle de « porteur » dans ce spectacle et Maxime de « voltigeur » ?

SL : Oui, on joue avec ce rapport de corps. Ce choix s’est fait en partie en lien avec nos morphologies et qualités de danseurs. Ce qui nous intéressait, c’était de voir comment le « petit le personnage » de Maxime pouvait prendre le dessus en devenant plus subtil, plus vicieux. Cela passe par une séduction qui vient mettre à mal, par la domination, ce plus grand gabarit et termine dans quelque chose de frénétique, schizophrénique.

Est-ce que vous tracez une ligne directrice entre Oxymore et votre solo Emprise ? Notamment sur la question de la solitude et du mal-être imprimés dans le corps ?

MC : Elle existe mais c’est juste que je ne l’avais pas conscientisée. L’objet d’Emprise était le sentiment du complexe. Oxymore traite du vice qui existe entre deux personnes, qui peuvent par ailleurs s’aimer. Lors de moments sociaux, de soirées par exemple, j’observe le sentiment de malaise. Comment celui-ci nous amène à nous comporter d’une manière qui ne nous ressemble pas, à aller titiller l’autre par égo, par jeu ? On arrive volontairement ou à nos dépens à faire du mal aux autres.

Comment travaillez-vous la création sonore de ce projet ?

Arsène Magnard : La musique et la matière chorégraphique fonctionnent presque comme deux vases communicants. L’un inspire l’autre. J’ai pensé la musique en essayant de m’attacher à l’espace mental de chacun des danseurs et celui qu’ils créent ensemble. En fait, j’essaye de récupérer des sons qui pourraient venir des environnements de nuit et de les traiter avec la perception de quelqu’un qui est ivre.

SL : Par exemple, la séquence où mes doigts torturés veulent donner différentes directions a été inspirée par ce qu’a proposé Arsène musicalement. Maxime a saisi cet instant avec son œil de chorégraphe et a dit qu’il fallait que ça aille encore plus loin.

Maxime Cozic et Sylvain Lepoivre en répétition au Théâtre (c) Benoîte Fanton

Vous travaillez aussi le rire dans cette pièce. Que voulez-vous faire naître chez le spectateur ?

MC : J’avais envie de tester la voix. J’ai essayé le cri puis le rire est finalement venu. Il y a cette ambiguïté du rire qui m’intéressait. On peut rire jaune, on peut rire au dépend de l’autre. Le rire opère une bascule car il amène la question du vice quand il est malintentionné. Finalement, il crée un malaise chez le spectateur.

SL : C’est vraiment un rire frénétique. Même sur scène, c’est violent à recevoir. Ça déclenche un état physique et en tant que danseur ça procure une énergie.

AM : Le rire dans cette pièce touche au réel. Il rappelle qu’on a tous été au moins assujettis à la moquerie. On a tous été bousculés dans notre vie, donc ça permet une identification du spectateur.

Avec quelles inspirations avez-vous travaillé ?

MC : Le loup des steppes d’Herman Hess. C’est un personnage qui m’intéressait car désœuvré, solitaire et buvant beaucoup. Il y a de nombreux passages de balades nocturnes où il fait des rencontres qui l’amènent à se rendre compte des différentes facettes existantes en lui. Il n’est pas une mais toutes ces facettes et c’est lui qui décide d’en alimenter une plus qu’une autre. L’ambiance nocturne du livre et le coté schizophrénique du personnage m’ont intéressé. Et puis Reims de Yann Moix. Cela parle du rapport à la sexualité et de la frustration qu’on peut tous vivre.

SL: Pour ma part, j’ai suivi les conseils de lecture de Maxime. Dans la vie, on est ami et je l’ai reconnu dans certaines situations du Loup des steppes. Dans ce duo, il y a une intimité liée à une réalité physique qui découle de notre amitié et de son évolution.

AM : Je travaille beaucoup pour des films donc les images m’inspirent. Et les mots m’amènent à penser des ambiances musicales. Plusieurs genres musicaux m’aident à construire les morceaux pour Oxymore ; comme la noise, différents courants de la musiques électroniques, des instruments acoustiques, le groupe Black to Comm ou encore le groupe R. ROO que m’a fait découvrir Maxime.

Pour suivre la création de Oxymore, rendez-vous sur le compte Instagram de Maxime Cozic. Oxymore sera créé en avril 2023 au KLAP à Merseille.