• Saison 2022-2023
Salle Aéroplane
1h25
Dès 14 ans

Direction de l’écriture collective et mise en scène Lisa Guez

Qu’y a-t-il derrière les portes qu’on n’ose pas ouvrir ? Oubliez ce qu’on vous a répété enfant en vous racontant le conte terrifiant de Barbe-Bleue : la curiosité n’est pas toujours un vilain défaut.

Sur scène, les femmes tuées par Barbe-Bleue nous racontent comment elles ont été séduites, comment elles ont été piégées et comment elles n’ont pas pu s’enfuir. Il y a l’emprise bien sûr, mais aussi l’ambiguïté d’un désir mêlant terreur et jouissance. La privation de liberté vient parfois autant de l’extérieur que de l’intérieur de soi : on vous donne une clé en vous demandant de ne pas ouvrir la porte, mais au fond, n’avez-vous pas envie de savoir pourquoi les figures inquiétantes et dominatrices nous attirent parfois ?

En révélant les rapports de domination dans notre société, les femmes de Barbe-Bleue nous appellent à gagner notre propre puissance, à conquérir notre liberté et à réinventer l’amour.

La presse en parle
  • « Sans être une pièce-tract, Les Femmes de Barbe Bleue aborde avec intelligence et poésie la question des féminicides et des violences conjugales. »

  • « La pauvreté apparente de la scénographie renforce encore le jeu de leurs regards ; et la complicité, la solidarité muette de ces femmes qui entre désir de mort et de vie auront chahuté le public au plus profond. »

  • « Les cinq comédiennes, chacune à leur façon, construisent un personnage aux mille facettes, modelé par toute la profondeur du psychisme féminin. Le monstre est tantôt mou, tantôt violent. Parfois autiste, manipulateur, ou passif devant tant de passion. Plus que de suivre la mouvance #MeToo, il y a la volonté d’explorer le désir ambigu, contradictoire et complexe des femmes, selon la metteur en scène Lisa Guez, qui considère le phénomène de société comme bien plus manichéen que le conte de Charles Perrault. Il y a bien une sororité, puisque les femmes s’entraident et imaginent des scénarios de secours, mais pas de dénonciations. Lisa Guez a eu la bonne idée de faire coécrire à ses comédiennes leur propre rôle, en leur demandant d’imaginer ce qui pourrait les attirer et les révulser chez Barbe Bleue. Les comédiennes jouent donc leurs propres pulsions, et sont excellentes. »

Avec Valentine Bellone en alternance avec Mathilde Panis ou Ninon Perez, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Nelly Latour en alternance avec Ninon Perez, Jordane Soudre

Dramaturgie et mise en forme de l’écriture Valentine Krasnochok
Collaboration artistique Sarah Doukhan
Création lumière Lila Meynard, Sarah Doukhan
Création musicale Antoine Wilson, Louis-Marie Hippolyte

Production Compagnie 13/31, Juste avant la Compagnie. Avec le soutien de l’Adami. Le spectacle a reçu le prix du jury et le prix des lycéens du Festival Impatience 2019. Le texte est édité à la Librairie Théâtrale dans la collection L’Œil du Prince.

 

L’histoire de Barbe Bleue, on me l’a racontée quand j’étais petite. Je me revois dans un lit, la lumière est éteinte, la porte de ma chambre est ouverte et la lumière du couloir filtre au travers. Dans le couloir, il y a mon grand-père, assis sur une chaise, qui me raconte Barbe Bleue. J’ai le souvenir de sa voix qui ralentit en évoquant ces femmes assassinées et collectionnées dans un cabinet interdit, qu’on n’a pas le droit d’ouvrir. J’étais terrorisée, tellement que je ne pouvais plus fermer les yeux, parce que je ne comprenais pas cette histoire… Pourquoi ces femmes se sont-elles faites tuer, pourquoi ouvrent-elles la porte, méritent-elles de mourir pour ça ? Je me rappelle avoir fait des insomnies d’enfant.

On rencontre parfois des « Barbes Bleues » dans nos vies d’adulte. J’ai souhaité me servir de ce conte, de cette matière trouée pleine de mystère pour questionner nos imaginaires féminins. J’ai proposé à cinq comédiennes de travailler sur les béances ouvertes par ce texte, de sculpter avec leur propre imaginaire et leur propre sensibilité le témoignage possible d’une femme de Barbe Bleue. Ces cinq comédiennes, dont je connaissais déjà bien le travail pour les avoir déjà dirigées dans Les Reines de Normand Chaurette ont toutes une expressivité et un univers très singulier, elles nous font voyager dans des mondes différents ce qui donne au spectacle toute sa richesse, sa diversité, son équivocité.

J’ai puisé ma ligne dramaturgique dans les analyses de la psychanalyste Clarissa Pinkola Estes (Femmes qui courent avec les loups), pour qui Barbe Bleue est une instance destructrice dans le psychisme féminin, un prédateur en nous qui nous force à jouer des rôles sociaux où l’on s’interdit par avance toute liberté. Une sorte de cerbère de l’auto-conditionnement. Barbe Bleue n’est donc pas présent sur notre scène, il est toujours joué par une des femmes. Chacune doit se défaire de « son » Barbe Bleue.

Je n’ai pas seulement voulu questionner la réalité de la domination masculine dans notre société, mais plutôt quelque chose de plus compliqué, de plus difficile à dire : en quoi cette figure inquiétante et dominatrice peut-elle nous attirer inconsciemment ? Qu’est ce qui fait que l’on accepte de jouer « la proie » ? En quoi la violence du désir est un subtil mélange de terreur et de jouissance ? Ce qui m’intéresse c’est la complexité singulière des désirs, l’étrangeté de ce mouvement qui fait qu’on joue une partition parfois contre nous-même.

Les Femme de Barbe Bleue, c’est pour nous, la mise en scène d’un combat libérateur, le long d’un chemin de questions difficiles à poser et de portes interdites : qu’y a-t-il derrière ces portes qu’on n’ose pas ouvrir ? Que sais-je que j’aimerais ne pas savoir ? Qu’est-ce qui de moi a été tué ou est en train d’agoniser ? « Chacune de ces questions est une clef, et il est probable que les réponses arriveront tâchées de sang » (Femme qui court avec les loups, C.Pinkola Estes). Derrière toute porte qu’on a peur d’ouvrir, toute question qu’on refuse de se poser, toute liberté à laquelle on accepte de renoncer, il y a un désir mort, une femme mise à mort par le prédateur en nous : La Barbe Bleue.

Lisa Guez, autrice et metteure en scène
Elle a une formation de praticienne et de théoricienne du théâtre. Ancienne étudiante en arts de la scène ; École Normale Supérieure, à 20 ans, elle crée, avec Baptiste Dezerces, sa première mise en scène, La Nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès. Ils fondent alors Juste avant la Compagnie. Elle monte ensuite plusieurs spectacles : Macbeth, joué au festival Théâtre en Liberté,  Les Reines de Normand Chaurette en 2015 ; enfin, Les femmes de Barbe Bleue, création originale qu’elle dirige et dont le texte parait à la Librairie Théâtrale en 2017. Ce spectacle rencontre un fort succès au Lavoir Moderne Parisien. Il est sélectionné au Festival Impatience en décembre 2019 où il remporte le prix des lycéens et le prix du jury. Elle assiste régulièrement des metteurs en scène renommés : Michael Thalheimer,  Lazare et la Compagnie Vita Nova, en 2019. En 2020-21, elle assiste Julie Berès sur sa nouvelle création. Universitaire, elle rédige une thèse sur les mises en scène de la Terreur révolutionnaire. Elle enseigne l’esthétique et la pratique théâtrale de 2016 à 2018 en licence arts du spectacle à l’Université de Lille-3. Elle commence en 2017 des interventions théâtrales auprès d’adolescents et de jeunes adultes au centre psychiatrique Jacques Arnaud (CMP).