• Saison 2021-2022
Salle Jean Vilar
2h10
Dès 12 ans

Tréteaux de France
De Nicolas Kerszenbaum
D’après le roman d’Ivan Gontcharov
Traduction Luba Jurgenson
Mise en scène Robin Renucci

Robin Renucci interroge la reconquête du temps à travers Oblomov, l’anti-héros du roman d’Ivan Gontcharov, incarné par le talentueux Guillaume Pottier.

C’est le plus célèbre confiné de la littérature ! Si Oblomov ne sort pas de son appartement, ce n’est pas pour respecter les mesures barrières mais parce qu’il le décide ! Pourquoi sortir, s’agiter comme son ami Stolz, gagner sa vie alors qu’il faut déjà la vivre ?
Quand Ivan Gontcharov écrit son roman Oblomov au milieu du XIXe siècle, il se met au diapason d’un courant qui, face au productivisme, invite à la rêverie ou à l’inaction. Pour Robin Renucci, qui a entamé un cycle sur la reconquête du temps, ce texte résonne particulière- ment : « Comment rester actif quand c’est précisément nos boulimies d’acti- vités qui, à la fois, ternissent le monde, et permettent de le transformer ? »

❝Est-ce cela la vie ?
Toujours des émotions, toujours des alertes !
À quand donc le bonheur paisible, le repos ?❞

Avec Gérard Chabanier Zakhar, Pauline Cheviller Olga, Valéry Forestier Stolz, Guillaume Pottier Ilia Ilitch Oblomov, Amandine Robilliard violoncelle, Lisa Toromanian Agafia, La Niania

Scénographie Samuel Poncet
Lumière Julie-Lola Lanteri
Costumes Jean-Bernard Scotto
Assistante à la mise en scène Luna Muratti

Production Tréteaux de France – Centre dramatique national – Direction Robin Renucci

Coproduction Châteauvallon-Le Liberté – Scène nationale, Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne, Théâtre Dijon Bourgogne – Centre dramatique national.

Nous voici dans le rêve d’Ilya Ilitch Oblomov : un univers onirique, comme un bouquet de mimosas, où tout est douceur et volupté, nostalgie de l’enfance et de son monde révolu d’où Oblomov ne peut/veut se sortir. Un théâtre au plus près des sentiments où quatre figures s’y défient : Oblomov qui se soucie de lui-même, de son bonheur, face à Stolz, l’ami d’enfance, résolument tourné vers le monde, la société et le progrès, Olga, la soprano et sa voix d’une beauté absolue, la passion et l’amour qui promet des ailleurs et du désenchantement face à Agafia, la terrienne, rassurante et maternelle, le violoncelle.

« 730 000 heures. C’est le temps d’une vie. Une vie à s’agiter ? Oblomov décide de résister à l’agitation ! Face à Kronos, il faut s’arrêter, il faut procrastiner, prendre le temps. Le temps est une nouvelle richesse : aliénante ou émancipatrice ? Nous sommes bombardés d’injonctions qui nous disent comment et où « tuer le temps ». Gontcharov nous invite à sortir de la volonté de l’avoir, à cesser de posséder et travailler… Gagner sa vie ? Déjà il faut la vivre ! Cette question traverse notre nouveau cycle sur la reconquête du temps. »

Robin Renucci

Ivan Gontcharov, auteur

Gontcharov naît en 1812 à Simbirsk d’une famille assez riche – et Simbirsk, c’est l’ennui le plus total. Il bénéficie de la meilleure éducation, et part tôt travailler comme fonctionnaire haut gradé à Petersbourg. En 1825, c’est l’accession au trône de Nicolas I, qui tourne le dos à l’Europe, à sa bourgeoisie, à ses réformes : la Russie a payé un lourd tribut pour combattre les armées napoléoniennes en 1812, le quarantième de la population est mort, et Nicolas I veut en finir avec l’influence européenne. C’est donc toute une bourgeoisie qui a soif de plus de libéralisme (sur le modèle européen) qui doit encore attendre, et la Russie, sous l’impulsion du nouveau tsar, se renferme un peu plus sur elle-même.
Gontcharov est le témoin de cette fermeture. Il travaille auprès de hauts fonctionnaires, est ami avec des entrepreneurs qui souhaitent l’ouverture russe, et il écrit. Le Songe d’Oblomov paraît en 1849 – avant donc l’intégralité du roman qui sera publié dix ans plus tard (à noter que le roman est alors un genre très neuf en Russie, Pouchkine écrivant des poèmes en prose) : il est pour Gontcharov une manière de décrire très précisément la construction d’un certain type d’homme russe, surprotégé, ne regardant jamais de l’avant, priant Dieu pour que demain soit la même journée qu’hier, et dépendant d’une quantité effrayante de serfs. À noter qu’alors qu’il écrit la vie idyllique à l’Oblomovka, et même s’il n’en dit rien, Gontcharov sait à quel point les domaines sont des sources de conflits potentiellement meurtriers : l’un des domaines voisins de celui où il a grandi à Simbirsk est géré par un Barine qui sera assassiné par ses paysans. Gontcharov est depuis 1847, et la publication d’Une histoire ordinaire, une star de la littérature russe – à seulement 35 ans, il obtient de très bons droits d’auteur (inédits pour un débutant), Dostoïevski le considère comme un rival. Il fréquente les meilleurs salons, rencontre les gens qu’il faut connaître, tout en travaillant toujours comme haut fonctionnaire (et on peut imaginer la somme de travail qu’il fournit pour concilier ses activités de fonctionnaire et d’écrivain).
En 1855, Gontcharov accepte le poste de censeur au comité de censure de Saint-Petersbourg – ce qui lui permet d’appuyer la publication de Tourgueniev, de Nekrassov et de Dostoïevski – poste qu’il quitte en 1856, alors que la politique de censure se durcit. En 1859, il écrit en un mois à Marienbad Oblomov, et reçoit les louanges de Dostoïevski, Tourgueniev (que Gontcharov accusera plus tard de plagiat) et, bien plus tard, de Tchekhov.
De 1863 à 1867, Gontcharov retourne travailler pour la censure tsariste, s’attirant de nombreuses critiques des milieux littéraires. En 1869, il publie son troisième grand roman, Le Ravin, succès public, mais mal accueilli par la critique de gauche – car jugé trop conservateur et an-historique. À partir de 1871, Gontcharov se consacre à l’écriture de nouvelles, et surtout à des critiques littéraires et théâtrales.
Gontcharov meurt d’une pneumonie en 1891, seul (il ne s’est jamais marié), et pétri d’aigreurs, dues à sa rivalité avec Tourgueniev, dues aussi aux nombreuses critiques négatives reçues par ses dernières œuvres.

Robin Renucci, mise en scène

Comédien et metteur en scène. Il est élève à l’Atelier-École Charles Dullin à partir de 1975, avant de poursuivre sa formation au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Il joue au théâtre sous la direction, entre autres, de Marcel Bluwal, Roger Planchon, Patrice Chéreau, Antoine Vitez, Jean-Pierre Miquel, Lambert Wilson, Serge Lipszyc et Christian Schiaretti. Au cinéma, il tourne avec Christian de Chalonge, Michel Deville, Gérard Mordillat, Jean-Charles Tacchella, Claude Chabrol et bien d’autres. Il interprète de nombreux rôles pour la télévision, notamment celui d’un médecin de campagne dans la série Un Village français. En 2007, Robin Renucci réalise un premier long-métrage pour le cinéma Sempre Vivu !
Fondateur et président de L’ARIA en Corse, il y organise depuis 1998 les Rencontres Internationales de Théâtre en Corse. Il est par ailleurs professeur au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Nommé directeur du Centre dramatique national Les Tréteaux de France en 2011, il signe les mises en scène de Mademoiselle Julie d’August Strindberg en 2012, Le Faiseur de Balzac en 2015, L’Avaleur, d’après Other People’s Money de Jerry Sterner en 2016, L’Enfance à l’œuvre en création au Festival d’Avignon 2017, La Guerre des salamandres de Karel Čapek créé au festival Villeneuve en scène en 2018, Bérénice de Jean Racine en 2019, ainsi que Britannicus du même auteur et Oblomov d’après Ivan Gontcharov en 2020.

Nicolas Kerszenbaum, adaptation

Metteur en scène, auteur, il fonde en 2005 la compagnie Franchement, tu, avec laquelle il monte une quinzaine de créations. Son écriture scénique se développe à partir d’expériences propres; il adapte parallèlement des textes non théâtraux, romanesques (Grisélidis Réal, Vincent Message), poétiques (Luc Boltanski, Bernard Noël) ou théoriques (Jeanne Favret- Saada). Plus récemment, il créé Deux Villes Fantômes, au Teatro Bertolt Brecht de La Havane à Cuba (création nov. 2018) ; Swann s’inclina poliment, d’après Marcel Proust (lauréat Artcena, création 2017) ; Défaite des Maîtres et Possesseurs, d’après Vincent Message (création 2017) ; Nouveau Héros (création en 2014), une relecture du mythe d’Hercule inspirée de témoignages collectés à Sevran et jouée 150 fois. Il est accompagné par les Tréteaux de France – CDN, avec qui il développe plusieurs projets : en 2017, il collabore avec Robin Renucci pour la dramaturgie et la mise en scène de L’Enfance à l’œuvre. Il écrit et met en scène en 2018 Ping Pong (de la vocation). En 2019, il met en scène un portrait de territoire à Aubervilliers et signe la dramaturgie du Bérénice de Racine, mis en scène par Robin Renucci. Il est également associé à la Manekine, le théâtre de Pont-Sainte-Maxence (Oise). Sa compagnie, Franchement, tu, est conventionnée avec la DRAC Hauts-de-France, la région Hauts-de-France, le département de l’Oise. Il est diplômé d’un double cursus d’Études Théâtrales (maîtrise et DEA mentions TB) et d’Économie (ESSEC).